Une large majorité d'États membres de l'ONU reconnaît déjà, au niveau bilatéral, la Palestine comme État. Seuls l'Europe, les États-Unis et Israël se démarquent de cette réalité diplomatique.
La démarche palestinienne à l'ONU se heurtera à un veto américain au Conseil de sécurité, puisque les États-Unis ont fait savoir qu'ils s'opposeraient à une solution qui ne serait pas négociée préalablement entre Israël et l'Autorité palestinienne. Il faudra donc que les Palestiniens se contentent d'un vote largement symbolique de l'Assemblée générale, élevant la Palestine au statut d'«État non membre observateur».
L'Europe apparaît une nouvelle fois divisée. Après l'avoir été sur l'Irak, puis sur la Libye, l'Union européenne va probablement aborder en ordre dispersé le vote sur la reconnaissance de la Palestine comme État. Si tel est le cas, elle montrera son incapacité à prendre la mesure de ce rendez-vous historique, comme elle a déjà du mal à se positionner face aux révolutions arabes.
En 1999 et 2010 pourtant, l'UE s'était engagée à une telle reconnaissance, «le moment venu», même si cette prise de position s'appliquait à une «solution négociée» alors que la démarche actuelle des Palestiniens reste unilatérale, en raison principalement du blocage complet des négociations.
Que peut-il se passer ?
Le scénario le plus probable est que l'Assemblée générale de l'ONU aille dans le sens palestinien, avec le soutien d'une partie des États européens. Mais cette reconnaissance, qui devrait souligner de manière spectaculaire l'isolement diplomatique du gouvernement Netanyahu, pourrait aussi avoir des répercussions négatives sur la situation politique du Proche-Orient.
Les Palestiniens attendront des résultats concrets de cette prise de position d'une large partie de la communauté internationale en leur faveur et nul ne doute que certains groupes radicaux y trouvent une justification pour des actions de violence. La population palestinienne s'inspirera probablement des révolutions arabes pour manifester en faveur d'un retrait israélien de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Une radicalisation de ces manifestations se heurterait à une répression plus dure encore.
De son côté, Israël pourrait être tenté par des actions hostiles telles que le gel des transferts de droits de douane et de TVA dus à l'Autorité palestinienne. De telles mesures, que pourrait aggraver la suspension, par la Chambre des représentants républicaine, de toute aide américaine à la Palestine, ne manqueraient pas de pousser davantage encore les Palestiniens à la révolte.
Les Israéliens, qui, après avoir perdu leur alliance stratégique avec la Turquie, se trouvent désormais en délicatesse en Égypte, ne pourront compter que sur l'indéfectible allié américain et, à moindre échelle, sur certains pays européens. Mais l'administration Obama ne pourra que bloquer le vote au Conseil de sécurité, tout en s'efforçant de conserver un minimum d'influence dans le monde arabe qui, sans nul doute, lui tiendra rigueur de ce nouveau veto en faveur de l'État hébreu.
Si les tensions devaient s'accroître et provoquer une intensification des violences entre Palestiniens et Israéliens (1), la scène proche-orientale pourrait rapidement s'embraser.
Le territoire égyptien peut en effet offrir un passage à des groupes armés palestiniens vers Gaza. Au Liban, le Hezbollah, qui est au gouvernement, pourrait rejoindre le conflit, certainement pas en attaque frontale, mais à la suite d'incidents entraînés par la nervosité générale, voire de provocations. D'autres incidents pourraient également se produire sur la ligne de démarcation du plateau du Golan, ce qui permettrait à Damas de faire oublier sa sanglante répression. Quant à la Jordanie, dont la population est au moins pour moitié d'origine palestinienne, elle n'hypothèquerait sûrement pas la fragile stabilité du royaume hachémite en se rangeant clairement du côté israélien. Enfin, les acteurs régionaux que sont la Turquie, l'Arabie saoudite et l'Iran verraient certainement dans cette situation de troubles l'occasion d'accroître leur influence, tout en évitant de trop brusquer les États-Unis. Quant à la Ligue arabe, déchirée par les révolutions, elle ferait certainement corps autour des Palestiniens, nouvel objet de cohésion, surtout après le rejet israélien de son plan de paix multipartite.
Une paix négociée est-elle encore possible?
Elle ne semble pas évidente, car la fenêtre d'action est très réduite. Il faudrait que les Européens, tout en s'efforçant d'adopter une position commune en faveur de la démarche palestinienne à l'ONU, envoient un signal fort à Israël, en lui expliquant qu'ils maintiennent la pression sur les Palestiniens pour empêcher toute manifestation ou action susceptible d'aggraver les tensions, mais aussi en lui faisant valoir que des actions de rétorsion seraient à la fois inutiles et dangereuses du point de vue même des intérêts de sécurité israéliens.
L'Europe devra s'engager fortement pour que la période qui suivra le vote de l'ONU marque le retour des Israéliens et des Palestiniens à des négociations bilatérales limitées par une date butoir à court terme (3 à 6 mois) pour la partie concernant les frontières et les garanties de sécurité, les autres questions, notamment celle des réfugiés, devant être traitées dans un délai de l'ordre d'un an. La probable victoire symbolique de la Palestine à l'ONU ne pourra en effet avoir de sens que si, à l'issue de ces négociations, Israël la reconnaît à son tour comme État.
L'Europe pourrait jouer un rôle central dans cette optique, tant en lien avec les Américains, afin de peser sur un gouvernement israélien tenté par le pur et simple recours à la force, qu'avec les acteurs du monde arabo-musulman, afin de peser sur une politique palestinienne fortement disparate malgré son unité de façade.
Les récentes propositions françaises, notamment de conférence de paix internationale, ne seront à l'évidence pas acceptées par Israël. Le temps n'est pas à une restructuration du cadre de médiation extérieur, mais bien à la reprise du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, pour aboutir enfin à une solution sur le statut des territoires occupés. Les équipes de négociation des deux parties se connaissent et savent parfaitement bien quelles sont leurs options. Il manque une volonté politique, qui devra être encouragée par une pression déterminée, unitaire et ciblée de l'Union européenne. Cette pression aura d'autant plus de chances d'être efficace que le vote de l'Assemblée générale à l'ONU sera large. Mais dans la nouvelle situation créée par ce vote, l'Europe et ses partenaires du Quartet auront aussi la lourde responsabilité d'en gérer les conséquences, pour éviter tout dérapage et débordement sur le terrain.
(1) Tsahal a entraîné dernièrement les colons dans l'éventualité d'affrontements.
(2) ONU, Etats-Unis, Europe, Russie
Après le vote du 23 septembre à l'ONU, pourra-t-on éviter un nouveau conflit?
Si les tensions devaient s'accroître et provoquer une intensification des violences entre Palestiniens et Israéliens (1), la scène proche-orientale pourrait rapidement s'embraser.
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