Contrats informatiques

Un stratagème pour gonfler les prix

Scandales informatiques




Radio-Canada révélait la semaine dernière que les contrats informatiques dans certains ministères du gouvernement du Québec étaient octroyés en alternance à un groupe restreint de grandes entreprises, ce qui laissait peu de place à la concurrence.
Radio-Canada a appris que ces mêmes entreprises ont mis en place un système pour gonfler les coûts des projets informatiques du gouvernement. Un stratagème qui leur permet d'accroître d'au moins 20 % les factures des contrats informatiques, au moment où le gouvernement du Québec investit des centaines de millions de dollars dans l'informatisation.
Un ex-dirigeant d'une grande entreprise informatique, qui préfère garder l'anonymat, est outré par tout ce qu'il a vu au gouvernement du Québec.
C'est scandaleux. Des grands dossiers qui sont là et qui bouffent des heures, pis des heures de consultants sans jamais être livrés.
— Un ex-dirigeant d'une entreprise informatique

L'enquête de Radio-Canada confirme que plusieurs entreprises informatiques élaborent des stratégies pour augmenter les coûts des projets d'informatisation du gouvernement.
D'ailleurs, selon les engagements financiers du gouvernement, les budgets des contrats informatiques sont souvent revus à la hausse. Une pratique que connaît bien un chef d'entreprise qui a témoigné sous le couvert de l'anonymat, par crainte de représailles.

Ils vont arriver avec de nouveaux coûts qui vont faire jusqu'à doubler la valeur du contrat.
— Un chef d'entreprise

« Les grosses entreprises vont soumissionner le plus bas possible et elles vont s'arranger ensuite pour aller chercher des modifications nécessaires pour faire augmenter la facture », a indiqué un consultant, qui préfère garder l'anonymat. Selon lui, bon nombre de contrats informatiques au gouvernement du Québec n'assument pas l'ensemble des travaux à effectuer, ce qui permet aux compagnies de facturer des coûts supplémentaires.
Alors, les compagnies vont omettre volontairement certains aspects du projet dans le contrat. Et si on n'a pas prévu certains items, certains volets informatiques, on les ajoute après coup, mais on les ajoute à la pièce et c'est ce qui fait que les coûts montent de façon exponentielle et c'est là que les fournisseurs vont être en mesure de faire de l'argent.
— Un consultant

L'ex-dirigeant d'une grande compagnie informatique dit aussi que les entreprises peuvent facturer sans problème au moins 20 % de plus que prévu au gouvernement.
« Moi, je l'ai vécu. Jusqu'à 20 %. Il n'y avait jamais de questions de posées, parce que tu n'étais pas obligé de retourner à une réévaluation du contrat pour avoir un changement. Mais ça pouvait aller plus que ça, ça pouvait augmenter plus que ça. On a un running bill et on facture », a déclaré cet ex-dirigeant d'une grande firme informatique.
Autre stratégie des compagnies informatiques
Les compagnies informatiques peuvent également adopter une autre stratégie. Certaines firmes facturent les services de consultants d'expérience au gouvernement du Québec, alors qu'en réalité, ce sont des travailleurs moins expérimentés qui développent ou implantent les systèmes informatiques des ministères.
« Par exemple, tu vas avoir soumissionné un expert qui a 10 ans d'expérience à 100 $ de l'heure. En cours de mandat, cette personne là, tu l'envoies dans le privé, puis tu la remplaces par quelqu'un qui a cinq d'expérience [..] que tu vas facturer à 100 $ de l'heure pareil. Ça ne veut pas dire que j'exploite les contribuables, mais ça veut dire que ça va coûter probablement plus cher que ça pourrait coûter dans le privé pour faire la même chose », a poursuivi cet ex-dirigeant d'une grande firme informatique.
Chaque année, le gouvernement du Québec consacre des centaines de millions de dollars à l'informatique. Personne au Conseil du Trésor n'a été en mesure de répondre à nos questions.
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Un reportage de Jean-Philippe Robillard


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