Le gouvernement Legault a déposé mercredi un projet de loi pour «reconnaître, promouvoir et protéger la liberté académique dans le milieu universitaire», comme le recommandait un comité d’experts.
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Dans son rapport présenté en décembre dernier, la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, présidée par l’ancien ministre péquiste Alexandre Cloutier, avait notamment demandé au gouvernement de faire adopter une loi pour définir le concept de liberté universitaire. La formation de «comités» chargés d’entendre les litiges sur la liberté académique, et ce, dans chaque université, était aussi réclamée.
Le projet de loi 32 déposé mercredi par la ministre responsable de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, répond à ce premier point.
La liberté académique universitaire est «le droit de toute personne d’exercer librement et sans contrainte doctrinale, idéologique ou morale, une activité par laquelle elle contribue dans son domaine d’activité à l’accomplissement de la mission des établissements d’enseignement», a-t-elle déclaré au Salon bleu.
De plus, le projet de loi oblige ces établissements à adopter une politique portant exclusivement sur la liberté académique et universitaire, tout en précisant les principaux éléments qui doivent figurer dans cette politique.
Parmi eux, la constitution et la composition d’un Conseil «ayant pour principale fonction de surveiller la mise en œuvre de la politique, d’examiner les plaintes portant sur une atteinte au droit à la liberté académique et universitaire». Ainsi, les plaignants et les victimes auraient un endroit où faire entendre leurs arguments.
«La censure n’a pas sa place dans nos salles de classe. Elle ne l’aura jamais et on doit protéger le corps professoral de la censure. Il est aussi primordial d’offrir une formation de qualité au membre de la communauté étudiante dans un environnement propice à l’apprentissage, à la discussion et au débat», a déclaré Mme McCann en point de presse, précisant qu’«on va pouvoir utiliser tous les mots dans un contexte académique, dans un contexte pédagogique, dans le respect et dans les normes».
Interrogée sur le fait que des étudiants provenant de minorités visibles puissent se sentir blessés ou inconfortables par l’utilisation de certains mots en classe, la ministre McCann a défendu son projet en déclarant que la loi est «aussi dans leur intérêt».
«Les universités ont un rôle important dans la société (...) il doit y avoir la possibilité de débattre, c’est pour ça que la liberté académique est aussi importante pour eux aussi, pour pouvoir débattre de ces sujets-là», a-t-elle déclaré.
Par ailleurs, si le projet de loi est adopté, les universités ne pourront pas obliger un professeur à donner un avertissement avant d’aborder un contenu susceptible de choquer, appelé aussi trauma-avertissement.
«Les classes ne sont pas des espaces sécuritaires, mais des espaces de débat», a affirmé Mme McCann.
Le projet de loi prévoit aussi que ces établissements nomment un «responsable de la liberté académique universitaire» chargé notamment de la mise en œuvre de la politique.
Réactions
«C’est une avancée majeure en harmonie avec les recommandations que nous avions déposées devant la Commission Cloutier», a réagi Christine Gauthier, vice-présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN), responsable du regroupement université.
La FNEEQ-CSN déplore toutefois que «rien ne prévoie dans le projet de loi actuel que le conseil qui sera mandaté pour surveiller la mise en œuvre des politiques des établissements et d’évaluer les plaintes sera composé de tous les membres de cette dite communauté universitaire».
La Fédération s’est aussi dite inquiète de l’article 6 du projet de loi qui accorde au ministre responsable de l’enseignement supérieur le pouvoir de demander des correctifs à la politique d’un établissement. Pour Mme Gauthier, «il s’agit de menaces sérieuses à l’autonomie et à la liberté universitaire».
La FNEEQ–CSN, qui représente 85 % des professeurs de cégeps, a aussi demandé que le projet de loi soit étendu aux établissements collégiaux qui relèvent également de l’enseignement supérieur.