Pensions: Harper maintient l'incertitude

Les compressions dans les ministères pourraient doubler

Sécurité de la vieillesse - rupture d'un pacte social


À la Chambre des communes, le premier ministre Stephen Harper a refusé de préciser ses intentions. «Notre engagement était d'éliminer notre déficit, graduellement, sans couper les transferts aux particuliers ou aux provinces. Cela a été clair. En même temps, nous avons l'occasion de regarder vers l'avenir, d'étudier les défis auxquels ces programmes font face dans le futur [...]», a-t-il dit.

Photo : Agence Reuters Chris Wattie


Marie Vastel Ottawa — Au premier jour de la rentrée parlementaire, les partis d'opposition attendaient les troupes de Stephen Harper de pied ferme, les accusant d'avoir été «malhonnêtes» tout au long de la dernière campagne électorale en promettant de ne pas réduire les transferts aux particuliers. Car les conservateurs ont bel et bien l'intention de revoir le programme de la sécurité de la vieillesse, ont-ils confirmé à leur retour aux Communes hier.
La nouvelle était tombée de l'autre côté de l'océan, la semaine dernière. De passage au Forum économique mondial en Suisse, le premier ministre Harper y avait annoncé que son gouvernement modifierait le régime de retraite canadien en y apportant «les changements nécessaires afin d'en assurer la viabilité pour la prochaine génération».
Car la population vieillit, les baby-boomers sont plus nombreux à s'approcher de la retraite et l'espérance de vie augmente. Résultat, le programme de la sécurité de vieillesse coûtera trois fois plus cher au fédéral dans 20 ans, selon le leader du gouvernement aux Communes, Peter Van Loan. «C'est pourquoi, afin d'avoir un système qui est viable et renouvelable dans 10, 20, 30 ans, nous devons faire des changements aujourd'hui», a-t-il plaidé en point de presse hier.
Devant le tollé suscité par la sortie du premier ministre, les conservateurs ont toutefois voulu calmer le jeu: ceux qui touchent leur retraite ou qui s'apprêtent à le faire n'ont pas à s'inquiéter, ils ne seront pas visés. «Notre cible est sur le moyen et le long terme», a martelé M. Van Loan.
Mais à la Chambre des communes, le premier ministre a refusé de préciser ses intentions. «Notre engagement était d'éliminer notre déficit, graduellement, sans couper les transferts aux particuliers ou aux provinces. Cela a été clair. En même temps, nous avons l'occasion de regarder vers l'avenir, d'étudier les défis auxquels ces programmes font face dans le futur, et de nous assurer que ces programmes soient disponibles et viables pour les générations futures qui en auront besoin», a déclaré Stephen Harper.
Or, une réforme comme celle que semblent envisager les conservateurs se fera nécessairement à long terme ont argué les partis d'opposition, furieux de se la voir imposer seulement huit mois après le scrutin de mai dernier au cours duquel il n'en a jamais été question.
«C'est quelque chose dont ils discutent et qu'ils planifient depuis des mois et des mois et des mois. Ils devaient le savoir pendant la dernière élection. Et ils ont dit aux Canadiens tout le contraire de ce qu'ils font aujourd'hui», a dit le chef libéral par intérim Bob Rae, accusant les conservateurs de briser leur promesse de garder intacts ces transferts aux particuliers.
Tentant lui aussi de calmer le débat, le ministre québécois Maxime Bernier a souligné qu'il s'agissait pour le moment d'une simple discussion à tenir avec les Canadiens. «Mais ce n'est pas quelque chose d'urgent», a-t-il insisté.
Mais l'opposition n'en croit rien. «On parle d'un gouvernement qui ne consulte pas; il ne consulte pas les provinces, il ne consulte pas les Canadiens», a lancé le néodémocrate Peter Julian, en évoquant les réductions de dépenses en santé qu'avait annoncées avant Noël le ministre des Finances, Jim Flaherty, sans en avoir discuté avec ses homologues provinciaux.
Si le gouvernement a refusé de détailler son projet, certains médias ont rapporté qu'il serait question de rehausser l'âge d'admissibilité au programme de la sécurité de la vieillesse de 65 à 67 ans. En vertu de ce programme, les Canadiens de plus de 65 ans touchent en moyenne un peu plus de 500 $ par mois, soit près de 6100 $ par année. Ceux qui reçoivent un salaire annuel excédant les 69 000 $ en remboursent une partie ou l'intégralité par l'entremise de l'impôt.
Le Canada en bonne posture
En 2015, les dépenses du fédéral représenteront 14,6 % du produit intérieur brut (PIB), le niveau le plus faible jamais observé depuis 1960 note le professeur de fiscalité de l'Université Sherbrooke, Luc Godbout. «Si le gouvernement fédéral est en déficit actuellement, ce n'est pas parce que ses dépenses publiques sont élevées», constate-t-il.
Les experts s'entendent tous pour dire qu'en raison du vieillissement de la population, il faudra se pencher sur le sort des régimes de pension. Mais ils arguent aussi que le Canada est en fort meilleure posture que d'autres, comme plusieurs pays d'Europe notamment, quant au bas de laine dont dépendent leurs régimes de retraite. Et si les dépenses d'Ottawa accuseront effectivement une hausse dans les années à venir, le programme de la sécurité de vieillesse représentera 3,14 % du produit intérieur brut d'ici 2031, une hausse de 0,73 % rapportait sur le site Internet du Globe and Mail l'économiste Kevin Milligan, de l'Université de Colombie-Britannique. Une augmentation «qui ne peut pas être ignorée, mais qui n'est pas non plus désastreuse», expliquait-il.
La session parlementaire sera donc animée ce printemps.
Compressions doublées?
Autres compressions que l'opposition refuse de laisser passer sous silence: les compressions dans l'appareil gouvernemental qui pourraient maintenant être doublées.
Dans le budget de 2011, le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait annoncé qu'il réduirait les dépenses annuelles compressibles du gouvernement fédéral de 4 milliards de dollars, ou de 5 %. Pour y parvenir, il demandait à chaque ministère de concocter deux plans: un réduisant les dépenses de 5 % et un autre de 10 %, le but étant, avaient expliqué les fonctionnaires, d'exiger plus de compressions de certains ministères si d'autres étaient incapables d'en trouver suffisamment, afin de dénicher un total de 4 milliards.
Or, de plus en plus, le chiffre de 5 % est abandonné du discours des ministres conservateurs. Ils parlent désormais de 10 %, soit de réductions de dépenses de 8 milliards de dollars par année. Ces réductions s'ajouteront aux réductions déjà apportées au cours des quatre dernières années dans le cadre d'autant d'examens stratégiques. Au total, ces quatre examens ont débouché sur des compressions annuelles récurrentes de 1,8 milliard de dollars.
Lorsqu'il a été interrogé à propos de ce glissement dans le discours de ses collègues, Peter Van Loan n'a pas contredit les journalistes. «Il y a assez de gaspillage et d'excès pour faire ces économies», a-t-il laissé tomber.
L'adoption du projet de loi omnibus en matière de criminalité (C-10) et de celui prévoyant l'abolition du registre des armes d'épaule sera enfin sans doute le sujet d'autres guerres ce printemps.
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Avec la collaboration d'Hélène Buzzetti


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