La liberté et ses "accommodements raisonnables"

Québec 400e - vu de l'étranger


Comment répondre aux aspirations de minorités religieuses issues de l'immigration, tout en préservant l'identité du Québec, dont la société fut pendant longtemps très catholique ? Mandatés par le premier ministre québécois, Jean Charest, le sociologue Gérard Bouchard et le philosophe Charles Taylor ont rendu, fin mai, leur rapport sur ce thème, après quinze mois de débats publics animés.

A l'origine de cette catharsis, une série d'incidents ou de controverses qui avaient fait monter la tension. La Cour suprême du Canada avait donné gain de cause à la famille d'un jeune Québécois d'origine sikh, finalement autorisé à porter son petit poignard traditionnel à l'école, dans un fourreau. Un village du Québec rural, Hérouxville, qui ne compte aucun immigré, avait adopté un "code de vie" interdisant la lapidation et le port de la burqa ; des médecins avaient été empêchés d'examiner des patientes musulmanes, etc.
Le rapport Bouchard-Taylor s'est appuyé sur la notion (invoquée par la Cour suprême) d'"accommodements raisonnables" entre deux principes : le droit à l'égalité et la liberté de religion. "La vision négative des accommodements accordés, dit-il, repose souvent sur une perception erronée ou partielle des pratiques réelles." Cette distorsion trouverait notamment sa source "dans le terrain fertile de l'insécurité identitaire des Québécois, à la culture toujours sous tension", en raison de son statut de minoritaire en Amérique du Nord. Or "il y a moins de racisme et de xénophobie au Québec qu'ailleurs", a estimé M. Bouchard.
Les auteurs du rapport préconisent par exemple d'interdire le port de signes religieux aux agents de l'Etat tenus à l'impartialité (magistrats, policiers, gardiens de prison, etc.) mais pas aux autres. Soucieux d'affirmer la séparation de l'Eglise et de l'Etat, ils demandaient le retrait du crucifix qui trône à l'Assemblée nationale du Québec. Le premier ministre a aussitôt refusé, estimant qu'il s'agissait d'un "symbole de l'histoire du Québec et non seulement d'un signe religieux".
Anne Pelouas


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