La convergence des uns et des autres

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«La gauche radicale préfère toujours son idéologie à la nation»





Le Parti Québécois rêve de convergence avec Québec solidaire. C’est normal. Il mène la bataille pour l’indépendance du Québec et dans cet esprit, il trouve tout naturel que les souverainistes finissent par s’unir d’une manière ou d’une autre. C’est le rêve de la grande coalition de 1995. De gauche, de droite, tous devraient s’unir pour l'indépendance nationale. C’est dans la logique même de la question nationale de relativiser les clivages politiques qui lui sont étrangers. S’il suffit de sauver la patrie, pourquoi mettre de l’avant nos désaccords idéologiques? La nation ne transcende-t-elle pas les camps qui la composent?


Il faut dire qu’il en rêve aussi pour des raisons politiques élémentaires : le PQ ne se sent plus capable de prendre seul le pouvoir. Alors pour cela, il cherche moins, aujourd’hui, à mettre de l’avant ce qui le distingue que ses bonnes intentions en matière d’alliance. La tendance est toutefois indéniable : le PQ est en décroissance. Il s’accroche à une possible convergence comme à une bouée de sauvetage. Il veut s’appuyer sur QS pour se hisser au pouvoir tout en demeurant l’acteur dominant de cette alliance. Il s’agirait de confirmer sa place dominante dans le système politique québécois tout en acceptant l’éclatement durable du vote souverainiste. Le PQ n'aurait plus le monopole sur le vote souverainiste : il serait néanmoins dominant dans son camp.


La situation n’est pas la même pour QS, qui est un parti en croissance et qui naturellement, voit dans une possible convergence un obstacle à sa progression. L’objectif de QS, ce n’est pas de converger avec le PQ mais de l’achever et de le remplacer.  Il ne veut pas s’arrimer à une coalition souverainiste qui prendrait le pouvoir en 2018 et dont il serait un partenaire minoritaire. Il veut être le cœur d’une grande alternative progressiste capable de balayer la classe politique en 2022 et de faire entrer le Québec dans une nouvelle époque. Gabriel Nadeau-Dubois incarne cette promesse politique. Sa lune de miel avec une partie de l'électorat ne fait que commencer.


Surtout, dans la mesure où Québec solidaire est de plus en plus étranger à toute forme de nationalisme ancré dans la majorité historique francophone et ses luttes historiques, il ne sent aucune urgence sur le plan de la question nationale. Son indépendantisme est moins animé par un projet d’émancipation nationale que par une quête de transformation sociale radicale. Il semble étranger et même hostile à l'angoisse d'une dissolution de la patrie, dans laquelle il ne semble voir qu'une xénophobie larvée – c'est peut-être inévitable quand on définit un pays moins par son identité historique que par l’idéologie à laquelle on veut le soumettre. Ce qu'on appelait autrefois l'assimilation du peuple québécois ne l'inquiète pas. Son souverainisme relève moins du nationalisme que d’une forme de néo-socialisme. La gauche radicale préfère toujours son idéologie à la nation.


On en arrive donc à la situation suivante.


En ce moment, le PQ pousse moins son propre agenda et sa propre vision du Québec qu’il n’adopte une posture moralement sacrificielle où il veut montrer à tous qu’il est prêt à multiplier les concessions pour bâtir une coalition antilibérale. Il veut faire comprendre aux électeurs solidaires qu’il est prêt à faire des concessions pour bâtir un programme commun. Il veut probablement révéler par effet de contraste le sectarisme de la direction de QS et sa monomanie idéologique. C’est une stratégie qui théoriquement, se défend : le PQ espère capitaliser ainsi sur le ras-le-bol à l’endroit des libéraux. Maiss le PQ peine aujourd'hui, à assumer une charge existentielle forte, sauf pour la part de l'électorat indépendantiste qui voit dans chaque élection un pré-référendum.


Il faut dire que le PQ n’est pas certain lui-même de sa mission historique – l’échec de l’indépendance n’y est pas pour rien, naturellement. Quels sont les «fondamentaux» du péquisme? S’agit-il d’un nationalisme historico-politique centré sur une mission essentielle : assurer la survie et l’émancipation politique du peuple québécois? Ou s’agit-il d’un souverainisme progressiste et technocratique inséparable du modèle social mis en place avec la Révolution tranquille. Naturellement, les deux perspectives peuvent s’emboiter. Mais laquelle est dominante? Le PQ serait-il même capable de voir QS comme QS le voit : à la manière d'un parti à combattre ouvertement?


QS, de son côté, croit que la gauche radicale a enfin son moment dans l’histoire du Québec. Elle pourrait sortir des marges et devenir un des pôles dominants de notre vie politique. Elle émerge toutefois dans un contexte de décomposition collective. La poussée de QS représente de ce point de vue un symptôme inquiétant du déclin du Québec et sa perte de pouvoir. Dans une société vaincue et épuisée, soumise à une forme de néocolonialisme qui ne dit pas son nom, la gauche radicale représente le pôle du fantasme et de l’évasion mentale, un peu à la manière de l’ultramontanisme du XIXe siècle, avec son messianisme compensatoire.


Poussons plus loin cette comparaison: l’ultramontanisme proposait hier à un peuple vaincu et impuissant d’évangéliser l’Amérique. C’était une forme de délire de toute-puissance pour masquer une vraie impuissance politique. Nous ne nous parvenions pas à être maître chez nous mais nous allions iilluminer le monde de notre génie. Il en est de même aujourd’hui de QS, qui incarne cette fois une forme de messianisme progressiste compensatoire. Le Québec a échoué son indépendance, il voit son identité se décomposer, mais nos solidaires ont l’ambition d’en faire le laboratoire mondial du progressisme le plus avancé. C’est l’histoire du Québec: dissimuler nos défaites derrière nos fantasmes.




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