Lundi dernier, Sean Fraser, le ministre fédéral de l’immigration, a annoncé que le Canada recevrait 431 000 immigrants cette année. L’intéressé reconnaît lui-même que cela est «audacieux», mais estime que «l’immigration est la clé» pour «la relance économique». Est-ce bien le cas?
Prenons le Japon. Ce pays reçoit très peu d’immigrants et constitue une puissance économique. Inversement, le Brésil a reçu dans son histoire beaucoup d’immigrants et son économie ne performe pas. De très nombreuses recherches ont démontré que richesse économique et immigration n’ont rien à voir ensemble.
Pour les fédéraux, cependant, il y a toujours une raison pour hausser le nombre d’étrangers au pays. En 2020, l’ancien ministre de l’Immigration, Marco Mendicino, avait déclaré qu’il fallait plus d’immigrants pour mieux combattre la COVID, comme s’il y avait un lien de causalité.
Les impacts de l’immigration élevée peuvent certes être positifs, pour les patrons, par exemple. Les chambres de commerce s’en réjouissent, car cela permet de baisser les salaires, particulièrement pour les travailleurs au bas de l’échelle. L’apport migratoire fait aussi bondir le prix des logements, au bénéfice des propriétaires... et au détriment des locataires, surtout les plus pauvres.
Évidemment, on me dira que les immigrants permettent de pallier le manque de main-d’œuvre. Sauf que c’est faux. Les étrangers qui viennent ici, en admettant qu’ils occupent un emploi, consomment des biens et services. Ils doivent habiter quelque part, ont besoin d’un dentiste, scolarisent leurs enfants, etc. Leur présence entraîne une demande de main-d’œuvre nouvelle et le problème n’est nullement réglé.
En fait, la raison pour laquelle Ottawa, beau temps mauvais temps, augmente toujours l’immigration n’a rien à voir avec l’économie. Il s’agit plutôt de donner corps à l’idéologie du régime: le multiculturalisme canadien. Comme le dit Justin Trudeau, qui reprend le fantasme de son père, le but est de faire du Canada un pays postnational. Exit les deux peuples fondateurs, place à un méli-mélo multiculturel au sein duquel chacun peut vivre comme il l’entend, selon les coutumes de son pays d’origine. Terminées la culture et les valeurs communes qui nous lient les uns autres et que doivent accepter les nouveaux venus. Le Canada doit devenir le pays des déracinés, un «prototype brillant», suivant une expression de Pierre Trudeau, duquel surgira l’homme nouveau, libéré d’un carcan bi-national prétendument xénophobe.
Cette utopie diversitaire pourrait mener non seulement à la désagrégation de notre société, mais aussi à la disparition de notre langue. Pourquoi? Parce qu’en vertu des pouvoirs que le Québec possède en immigration, le gouvernement caquiste veut recevoir 70 000 immigrants en 2022. Ceci constitue une hausse de 87,5% par rapport aux 40 000 reçus en 2019, lors de sa première année au pouvoir! Par habitant, cette proportion constitue un niveau deux fois et demie plus élevé que celui de la France ou des États-Unis, deux nations souveraines qui ne sont pas menacées de disparaître. Tout ça alors que la proportion d’immigrants francophones ne cesse de diminuer depuis quelques années.
René Lévesque parlait jadis de noyades migratoires. C’est ce qui risque d’arriver. La proportion de personnes ayant le français comme langue maternelle au Québec était de 82% en 1996. Elle est de 78% aujourd’hui et pourrait baisser à 70% dans quelques années, puis à 50% en 2100. Pour survivre comme peuple majoritaire sur notre territoire, nous devons impérativement mieux choisir nos immigrants et en accueillir moins.
C’est ici qu’apparaît la différence entre Trudeau et Legault. Le premier est cohérent. Il veut faire un pays postnational, d’où son désir d’ouvrir les portes aux étrangers, auprès desquels il se livre à du clientélisme ethnique quand ils obtiennent le droit de vote.
Le premier ministre du Québec, pour sa part, nage en pleine contradiction, lui qui dit vouloir protéger le français.
L’enjeu de loin le plus crucial pour la survie de notre langue est l’immigration. Au mieux, la CAQ fait preuve d’une incohérence abyssale. Au pire, elle parle sciemment des deux côtés de la bouche pour obtenir l’appui des nationalistes et des partisans du multiculturalisme. Dans un cas comme dans l’autre, François Legault fait le jeu des fédéraux!