Débarquement français en ordre dispersé aux 400 ans de Québec

Francophonie. Royal, Fillon, Raffarin, Jospin, Juppé, Accoyer étaient notamment présents.

Québec 400e - vu de l'étranger


Pour célébrer Samuel de Champlain, fondateur de la ville de Québec, la marine nationale avait envoyé le Belem, son majestueux trois mâts. Il venait d'accoster, mercredi après-midi, quatre siècles après le célèbre navigateur français, quand le consul général de France à Québec s'est emparé du micro pour annoncer à la foule la libération d'Ingrid Betancourt. Sur le quai, Alain Juppé a dit sa «formidable joie» et Ségolène Royal a lâché : «C'est merveilleux.»
François Fillon et trois de ses prédécesseurs (Jean-Pierre Raffarin, Lionel Jospin et Alain Juppé), le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer, cinq présidents de régions françaises et de nombreux parlementaires avaient traversé l'Atlantique pour participer aux cérémonies du quatre centième anniversaire de la fondation de la première cité de la Nouvelle France, le 3 juillet 1608. Avec une telle concentration de personnalités, le voyage prenait des allures d'événement politique franco-français. Mais le coup de tonnerre dans la jungle colombienne a tout chamboulé. A Québec, on a célébré la permanence du «fait français» en Amérique du Nord, les yeux rivés sur les images de l'aéroport militaire de Bogota. Quand le Premier ministre a appris la nouvelle, l'idée de poursuivre le vol jusqu'en Colombie a bien «effleuré» les membres de son cabinet. Mais elle a été aussitôt abandonnée.
France aventureuse. Dans une atmosphère étrange, marquée par un échange très vif avec Royal (lire page 10), Fillon a choisi d'assurer jusqu'au bout le programme chargé de sa visite. A Ottawa, puis à Québec et à Montréal, il a salué «au nom de la France la ferveur culturelle et spirituelle de la présence française». Dans le discours prononcé lors de la cérémonie devant la statue de Champlain et sous des trombes d'eau, il a proclamé qu'en 1608, «la France s'est agrandie sans se diviser». Au dessus de l'océan, une «fraternité charnelle» lie la vieille et la nouvelle France. De sorte qu'«il existe en chaque Québécois une émotion française et en chaque Français un rêve québécois».
En célébrant, 40 ans après de Gaulle, le «fait français» au Canada, Fillon plaide aussi pour la reconnaissance d'un fait canadien en France. «En venant à votre rencontre, nous nous remémorons une France que nous avons trop longtemps oubliée [...] Cette France aventureuse, capable de se lancer à la découverte du monde», expliquait-il jeudi soir au musée de la civilisation devant la communauté française de Québec. S'adressant la veille à son homologue canadien, Stephen Harper, il soulignait le caractère à ses yeux exemplaire de la réduction des déficits réussie par le gouvernement de Jean Chrétien : «Le Canada est le seul pays cité en référence dans les lettres de missions adressées à mes ministres.»
Impressionné par «l'essor prodigieux» de l'économie canadienne, Fillon ne s'étonne donc pas que les Français soient de plus en plus nombreux à immigrer ou étudier au Québec. Mais il aimerait que l'inverse devienne possible. On en est loin : les étudiants français au Québec (plus de 6 000 par an) sont six fois, plus nombreux que leurs homologues québécois en France.
Et quand il s'agit de dire du bien des cousins québécois («ce sont nos frères», corrige Alain Juppé), les élus venus de Paris sont intarissables. «Ce n'est pas un sujet de conflits politiques, le Québec, c'est un sujet de rassemblement», déclarait François Hollande début juin. «Je suis venu leur dire merci d'avoir tenu bon sur la francophonie pendant quatre siècles», s'enthousiasmait jeudi Royal, présidente de Poitou-Charentes, la région de Samuel de Champlain.
«Sympathiques». Ravi de séjourner à nouveau dans un pays «où les gens sont tellement sympathiques et si peu agressifs», Juppé assurait qu'il avait pu mesurer pendant son année passée à Montréal «la force de la relation» franco-québécoise. Ce n'est pas par hasard, selon Raffarin, que tant de politiques se passionnent pour la «Belle province» : «La fraternité avec le Québec, il faut aller la chercher. Et quand on la trouve, c'est un vrai bonheur.» Voilà pourquoi, d'après lui, «ceux qui ont assumé des responsabilités d'Etat gardent avec ce pays des relations d'exception».
Pour rejoindre la cité, son prédécesseur Jospin s'était offert une croisière en voilier sur le Saint-Laurent. Et avant de retrouver sa ville de Bordeaux, Juppé se lance cette semaine dans une randonnée cycliste sur «le chemin du roi», entre Québec et Montréal. Pour Fillon, le temps des vacances québécoises n'est pas venu.
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Envoyé spécial au Canada ALAIN AUFFRAY


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