De retour à Ramallah deux jours après le dépôt de sa demande d'adhésion à l'ONU, Mahmoud Abbas a réitéré son opposition à une relance du processus de paix en l'absence de gel du développement des colonies juives de Cisjordanie. De son côté, interrogé hier par NBC, Benjamin Nétanyahou a de nouveau appelé les Palestiniens à reprendre les discussions «sans conditions préalables».
Ramallah — Après les applaudissements internationaux, les ovations palestiniennes. Mahmoud Abbas a été accueilli en héros par des milliers de Palestiniens hier à son retour à Ramallah après sa partie de bras de fer victorieuse contre les États-Unis, qui ont échoué à le dissuader de demander l'adhésion de la Palestine à l'ONU. «Nous sommes allés à l'ONU en portant vos espoirs, vos rêves, vos ambitions, vos souffrances, votre vision et votre désir pour un État palestinien indépendant», a déclaré Abbas, à la Mouqata, le siège de la présidence de l'Autorité palestinienne. Il y a été interrompu à plusieurs reprises par les acclamations de la foule qui brandissait des drapeaux palestiniens en criant «le peuple veut un État palestinien». Une version palestinienne de «le peuple veut la fin du régime»? En tout cas le leader palestinien a rebondi en lançant: «le printemps palestinien est né, un printemps populaire, un printemps de lutte pacifique qui atteindra son but».
Alors qu'il avait jusque-là l'image d'un chef plutôt terne et sans charisme, les Palestiniens ont été conquis par la pugnacité d'Abbas à l'ONU qui a résisté à d'intenses pressions américaines pour tenter, jusqu'à la dernière minute, de le dissuader de saisir le Conseil de sécurité. Une détermination qui permet au leader palestinien de bénéficier d'une popularité sans précédent depuis son élection en 2005. Surtout, après l'échec de la lutte armée et l'impasse dans les négociations avec Israël, il semble avoir réussi, au moins provisoirement, à redonner de l'espoir aux Palestiniens en leur proposant une politique nouvelle: une lutte diplomatique, sur la scène internationale, conjuguée à une «résistance populaire pacifique», inspirée des printemps arabes.
«Mahmoud Abbas nous a redonné notre fierté et notre amour-propre. Grâce à lui les Palestiniens et leur lutte pour un État ont ressuscité vendredi, même si notre demande est rejetée par le Conseil de sécurité», explique Mohammed Abou Suud, 29 ans, un programmateur informatique originaire d'Hébron, dans la foule assemblée devant la Mouqata. «Pour les Palestiniens, l'initiative d'Abbas à l'ONU leur a permis d'ouvrir une nouvelle page de leur lutte pour obtenir un État. Il a aussi restauré leur fierté après le discours pro-israélien d'Obama qu'ils ont ressenti comme humiliation. Du même coup, il a aussi amélioré son image auprès des Palestiniens mais dans leurs coeurs il est encore très loin derrière Yasser Arafat», explique Khalil Shaheen, directeur de recherche au Centre palestinien de recherche politique et d'études stratégiques, basé à Ramallah.
Ce regain de popularité est un revirement pour Abbas, 76 ans, qui a annoncé à plusieurs reprises qu'il ne se représenterait pas aux élections, plusieurs fois repoussées. Avec son image de premier de la classe, il n'avait jamais réussi à sortir de l'ombre de Yasser Arafat, leader charmeur et imprévisible en éternel treillis militaire — et à gagner le coeur des Palestiniens. Nombre de ses concitoyens lui reprochaient sa complaisance à l'égard d'Israël et des États-Unis, une critique alimentée par sa défense, dès les années 80, de la voie diplomatique. Ces critiques étaient entretenues par les railleries de certains responsables israéliens qui se moquaient de la «faiblesse» du leader palestinien. L'ex-premier ministre Ariel Sharon n'avait pas hésité à le qualifier de «poulet déplumé», une expression appréciée par la droite israélienne.
Popularité en hausse
Avant même la remise de sa demande d'adhésion vendredi à l'ONU, la popularité d'Abbas était en hausse, selon un sondage publié la semaine dernière par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, de Ramallah. Le leader du Fatah obtiendrait 59 % des suffrages, contre 34 % au premier ministre du Hamas, Ismail Haniyeh, si des présidentielles étaient organisées, une hausse de cinq points pour Abbas sur les trois derniers mois. Fort de ce soutien populaire, ce dernier devrait persister dans la voie de la fermeté. Même si la direction palestinienne a affirmé qu'elle «étudierait» la proposition formulée vendredi par le Quartette (États-Unis, UE, ONU et Russie) pour une reprise des pourparlers de paix, la réponse palestinienne est connue d'avance. Abbas a ainsi réaffirmé qu'il ne négocierait pas sans un «arrêt total» de la colonisation. Or l'offre du Quartette ne mentionne pas explicitement le gel des constructions dans les colonies. Elle prévoit en revanche un calendrier de négociation et de fixer l'objectif d'un accord final au plus tard fin 2012. Le plan se réfère au discours d'Obama en mai, dans lequel il propose de négocier sur la base des frontières d'avant la guerre de 1967, avec des échanges de territoire acceptés par les deux parties. Mais le Quartette a laissé en suspens les questions les plus épineuses, sur lesquelles bute la reprise des négociations depuis un an: poursuite de la colonisation du côté israélien et refus des Palestiniens de reconnaître Israël comme l'État-nation du peuple juif.
De retour à Ramallah - Abbas accueilli en héros
« le printemps palestinien est né, un printemps populaire, un printemps de lutte pacifique qui atteindra son but »
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