Charest, le chevalier vert

Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques

S'il fut un temps où les talents publicitaires du PQ faisaient enrager les libéraux, ce sont les péquistes qui pestent aujourd'hui de voir Jean Charest jouer au chevalier vert.
Au moment de prendre sa retraite, celui qui a été son chef de cabinet au cours des deux dernières années, Daniel Gagnier, a expliqué que sa contribution aux récents succès du premier ministre avait été d'organiser son horaire de travail pour «qu'il ait du temps pour faire ce qu'il aime faire».
De toute évidence, M. Charest aime les relations publiques, et même ses adversaires doivent reconnaître qu'il y excelle. Peu importe l'endroit de la planète où il se trouve, son aisance est remarquable.
Depuis sa participation au Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro, alors qu'il était ministre dans le cabinet de Brian Mulroney, l'environnement a été son terrain de prédilection. Aujourd'hui, c'est devenu une sorte de réflexe: il est incapable de prononcer le mot «développement» sans y accoler le qualificatif «durable».
À la longue, l'habit finit par faire le moine. La semaine dernière, à Los Angeles, il semblait tout naturel de voir M. Charest participer au deuxième Sommet global des gouverneurs sur le climat, aux côtés des Arnold Schwarzenegger, Al Gore et autres Tony Blair.
Certains ont beau avoir la mémoire courte, la rapidité avec laquelle il a réussi à faire oublier la centrale thermique du Suroît, la vente du mont Orford, le projet Rabaska et l'île Charron, est tout de même étonnante. Même si Stephen Harper peut jouer et chanter une chanson des Beatles d'une façon tout à fait convenable, personne ne pourrait voir en lui un protecteur des arts.
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La métamorphose de M. Charest est un incontestable succès de marketing politique, mais il doit une fière chandelle à M. Harper. Si le premier ministre canadien ne se comportait pas comme un véritable voyou en matière d'environnement, son homologue québécois paraîtrait nettement moins vertueux.
La prochaine conférence sur les changements climatiques, à Copenhague, permettra encore à M. Charest de renforcer son image à peu de frais. Une réduction de 25 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990 serait sans doute un objectif réaliste pour le Québec, mais pourquoi hausser indûment la barre si une réduction de 20 % suffit à faire passer M. Charest pour un homme préoccupé du sort de la planète?
On peut comprendre la frustration de Pauline Marois, qui soulignait vendredi qu'en dépit de ses prétentions vertes, le gouvernement traîne les pieds dans des dossiers comme les redevances sur l'utilisation industrielle et commerciale de l'eau, la lutte contre les algues bleues ou encore la gestion des matières résiduelles.
Mme Marois elle-même n'a cependant jamais été associée à la protection de l'environnement dans l'esprit de la population. C'est un des rares ministères importants qu'elle n'a pas occupés durant sa longue carrière, et son porte-parole en la matière, l'ancien chef du Parti vert, Scott McKay, n'a pas fait une grande impression jusqu'à présent.
Il n'y a pas si longtemps, la chef du PQ voyait la clé de la prospérité du Québec dans le pétrole et le gaz. À l'été 2008, elle était rentrée très enthousiaste d'un voyage en Norvège, dont elle vantait les méthodes d'exploitation écologiques des ressources pétrolières. Elle visait tout particulièrement le gisement Old Harry, au large des îles de la Madeleine, dont les réserves étaient évaluées à deux milliards de barils.
Le problème est que le pétrole a très mauvaise presse ces temps-ci, et l'exploitation d'éventuels gisements dans le golfe Saint-Laurent soulèverait un tollé. Mme Marois n'en a jamais reparlé.
M. Charest non plus d'ailleurs. Durant la dernière campagne fédérale, la signature d'une entente semblable à celle qui ont été signées dans le passé avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, afin de permettre l'exploitation du pétrole et du gaz dans le golfe, faisait partie des demandes que le premier ministre avait adressées aux chefs de partis fédéraux. Cela aussi, on l'a oublié.
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Au cours des deux prochains jours, la direction d'Hydro-Québec présentera en commission parlementaire son plan stratégique pour les années 2009-2013, qui prévoit des investissements de 25 milliards.
Bien entendu, le chevalier vert ne participera pas aux travaux de la commission et il ne faut pas compter sur les députés libéraux pour faire leurs les inquiétudes que suscitent les projets de la société d'État.
Insatisfait du premier plan qu'Hydro-Québec lui avait soumis au printemps, le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, l'avait renvoyé à la table à dessin. Le nouveau plan peut maintenant être considéré comme le volet énergétique du Plan Nord si cher à M. Charest.
En revanche, le PQ promet un interrogatoire «très serré» des dirigeants de la société d'État. Comme plusieurs, le porte-parole péquiste, Sylvain Gaudreault, se demande si l'électricité produite par les nouveaux barrages projetés trouvera preneur et à quel prix, sans parler des effets que cela pourrait avoir sur les tarifs payés par les consommateurs québécois.
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mdavid@ledevoir.com


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