Bill Morneau donne un coup de frein aux nouvelles dépenses

Avec un déficit de 28,5 milliards, le budget d’Ottawa se veut frugal

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Les coffres fédéraux sont vides !






Les coffres fédéraux sont vides et c’est donc un budget d’une rare frugalité qu’a déposé mercredi le ministre des Finances, Bill Morneau. Plusieurs des initiatives sont de l’ordre de l’intention, des réflexions restent à être menées et quelques ententes avec les provinces demandent encore à être négociées. Au final, très peu d’argent frais est annoncé, bien que les vétérans en reçoivent une part notable.


 

Au total, ce ne sont que 5,1 milliards supplémentaires sur six ans qui sont offerts dans ce second budget Trudeau. Si le document s’épanche longuement sur l’innovation, l’instauration de « supergrappes » industrielles, l’adaptation à l’économie de demain ou encore le déploiement d’infrastructures vertes, il n’y consacre aucune somme additionnelle. L’entièreté des budgets en ces matières provient de fonds déjà annoncés. Pire, certaines sommes promises antérieurement, comme les 2 milliards destinés à l’émergence d’une économie à faibles émissions de carbone, sont étalées dans le temps pour en réduire l’impact immédiat sur les finances publiques.


 

« Notre plan est ambitieux », a néanmoins soutenu le ministre Morneau en point de presse. Il n’a pas répondu directement aux journalistes qui lui demandaient dans quelle mesure ces décisions reportées à plus tard le sont pour se donner le temps de s’adapter à toute décision pouvant être prise par le gouvernement américain de Donald Trump.

 


 

Pour l’année 2017-2018, les revenus d’Ottawa s’élèveront à 304,7 milliards et les dépenses, à 330,2 milliards, pour un déficit de 28,5 milliards. Il s’agit encore une fois d’une détérioration du solde budgétaire par rapport aux dernières prévisions faites à l’automne. Le budget reconnaît en fait que le solde budgétaire sera pire que prévu non seulement cette année, mais pour les quatre prochaines années encore. Seule l’année 2016-2017 qui se termine sera légèrement moins sombre que prévu, avec un déficit de 23 milliards plutôt que 25. Le retour à l’équilibre budgétaire n’apparaît sur aucun horizon. La dette du Canada s’élèvera en 2017-2018 à 665,5 milliards, pour une légère augmentation de son poids relatif au PIB (31,6 %).


 

La chef par intérim du Parti conservateur, Rona Ambrose, s’est insurgée contre ce budget écrit à l’encre rouge. « Nous n’avons pas un problème de revenus, nous avons un problème de dépenses », a-t-elle soutenu, déplorant les augmentations de tarifs en tout genre, comme la hausse des taxes sur l’alcool ou encore l’imposition de la TPS sur les trajets Uber. « Nous serons la voix des contribuables, a-t-elle lancé. Les Canadiens payent déjà beaucoup trop d’impôt. »


 

Les vétérans toucheront 624 millions de dollars sur six ans (dont une part significative pour l’année qui se termine). Ainsi, le gouvernement met en place une nouvelle prestation pour les études et la formation à l’intention des soldats qui ont terminé leur service et tentent de se recycler professionnellement. Ceux ayant cumulé six années de service auront droit à des prestations pouvant atteindre 40 000 $, et ce sera le double pour 12 années de service.


 

De même, les services d’aide à la réinsertion civile seront augmentés de 74 millions sur six ans. Par ailleurs, Ottawa élimine un irritant pour les familles de soldats décédés ou invalides. Les proches d’un militaire disposaient de seulement un an suivant le décès ou la démobilisation pour déposer une demande d’aide de réadaptation professionnelle. Ce plafond temporel est aboli. Ils pourront déposer leur demande d’aide « lorsqu’ils seront prêts à retourner au travail ».


 

Toutefois, la demande principale des vétérans, soit que l’option d’une pension d’invalidité à vie soit restaurée (elle qui avait été remplacée par le versement d’un montant forfaitaire), n’est toujours pas satisfaite. Le budget indique seulement que le gouvernement « annoncera d’autres renseignements cette année » à ce sujet.


 

Les silences du budget


 

En fait, il s’agit d’un thème récurrent de ce second opus du ministre Bill Morneau. Beaucoup d’éléments sont conditionnels à la négociation ou à une étude devant avoir lieu ultérieurement. Les annonces restent donc de l’ordre de l’intention.


 

Ainsi, les détails techniques concernant la future taxe sur le carbone seront contenus dans un « document de consultation » qui sera publié au cours des prochains mois. En matière de défense nationale, le budget rappelle qu’Ottawa « communiquera bientôt une nouvelle politique de défense » dans laquelle « le gouvernement s’engagera à offrir le niveau d’investissement nécessaire » aux forces armées. Les détails de fonctionnement de la future Banque d’infrastructures du Canada ne sont toujours pas au rendez-vous. En matière de formation de la main-d’oeuvre, Ottawa promet une « réforme considérable » dont les détails suivront. Des négociations avec les provinces seront nécessaires, même si on promet que le principe d’asymétrie pour le Québec sera respecté.


 

Des revenus boudés


 

Les libéraux de Justin Trudeau avaient promis en campagne électorale de faire le ménage dans la fiscalité, en particulier pour éliminer les crédits fiscaux bénéficiant surtout aux contribuables les plus aisés. Cette révision se fera, pour une large part, encore attendre.


 

Certes, certains crédits d’impôt sont éliminés, comme celui sur l’utilisation des transports en commun, pour une économie dès cette année de 150 millions. Il était, selon le ministère des Finances, « inefficace pour encourager l’utilisation du transport en commun et réduire les gaz à effet de serre ». En effet, ce crédit pouvait même être utilisé pour déduire de ses revenus les dépenses d’utilisation d’une traverse, que les gens empruntent généralement… en voiture. On élimine aussi un crédit pour la création de places en garderie en milieu de travail, qui était très peu utilisé.

 





Cependant, les plus gros crédits attendront. Ainsi, l’exemption partielle des gains en capitaux n’est pas modifiée, elle qui privera cette année Ottawa de 13 milliards en revenus. La déduction des options d’achat d’actions, qui a permis à quelques milliers de contribuables de déduire en moyenne 400 000 $ de leurs revenus, n’est pas attaquée. Le budget mentionne trois stratégies de planification fiscale qu’Ottawa a dans sa mire, dont la répartition du revenu entre membres d’une même famille pour réduire le taux d’imposition réel, mais encore là, ce n’est qu’au cours « des prochains mois » qu’Ottawa dévoilera ses intentions à leur égard.


 

Ces omissions ont suscité l’ire du chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, qui a soutenu que la fin d’un seul de ces crédits aurait permis de combler les lacunes dans les services à l’enfance pour les autochtones. M. Mulcair a déploré que le budget ne contienne aucune aide à l’industrie forestière, affectée par la fin de l’entente sur le bois d’oeuvre avec les États-Unis, ou celle promise aux producteurs fromagers, heurtés par l’entente de libre-échange avec l’Union européenne.


 

Notons toutefois qu’Ottawa annonce un demi-milliard de dollars de plus pour l’Agence du revenu du Canada afin de combattre l’évasion fiscale sur cinq ans dans l’espoir de récupérer au quintuple sa mise. Il passera aussi au peigne fin les programmes et les dépenses « d’au moins trois ministères », qui seront nommés après le budget, dans l’espoir de trouver des dédoublements, du gaspillage et des programmes inutiles ou dépassés.


 

Des promesses remplies


 

Comme promis, Ottawa dévoile dans son budget les modifications qu’il entend apporter au programme d’assurance parentale et de congés de compassion pour rendre ceux-ci plus flexibles. Les deux mesures coûteront 843 millions de dollars de plus au cours des cinq prochaines années. Ottawa pérennise également les sommes destinées à la création de places en garderie en projetant des sommes sur une décennie. Il ne s’agit toutefois pas d’argent frais, les fonds étant puisés à même les enveloppes destinées aux infrastructures sociales. Des ententes devront être conclues avec les provinces, mais Québec a obtenu la garantie qu’il pourra utiliser l’argent à d’autres fins, puisqu’il a déjà son réseau.



665,5 milliards


La dette du Canada représente 31,6% du PIB du pays


 

Cette garantie, comme celle en matière de formation de la main-d’oeuvre, semble avoir échappé au Bloc québécois, qui a déploré par communiqué de presse les « intrusions méprisantes et irrespectueuses dans les juridictions québécoises ». « D’un budget à l’autre, le gouvernement canadien s’approprie de plus en plus de pouvoirs québécois, affirme la chef Martine Ouellet. À ce rythme-là, je me demande jusqu’à quand le Québec pourra encore décider des enjeux qui le concernent. »


 

Une attention particulière est accordée aux autochtones dans ce budget, qui font l’objet de dotations spécifiques dans plusieurs volets. Ainsi, l’aide financière aux étudiants sera augmentée, de 90 millions sur deux ans, pour venir en aide à 4600 étudiants. On prévoit une somme spécifique en logement abordable destinée aux autochtones ne vivant pas dans une réserve.


 
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