Bas-Churchill: le Québec a tort de crier à la concurrence déloyale

Churchill Falls - Hydro-Québec / Énergie NB



Le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, était de passage au port d'Halifax, hier, où il a notamment abordé la question du Bas-Churchill.
PHOTO: ADRIAN WYLD, PC


Adrien Pouliot - Il est ironique d'entendre Pauline Marois crier à la concurrence déloyale et Jean Charest se choquer contre l'ingérence du fédéral quand celui-ci parle de financer la mise en place d'un câble sous-marin entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse pour acheminer l'électricité produite vers les marchés de la Nouvelle-Angleterre, où Hydro-Québec, «leur» société d'État, vend déjà son énergie. Pourquoi? Parce qu'ils se font servir par Stephen Harper la même médecine qu'eux-mêmes nous servent quotidiennement!
Le gouvernement québécois a en effet octroyé en 2010 quelque 1,8 milliard de dollars en subventions directes aux entreprises, excluant les transferts de 630 millions à la Financière agricole. Il a de plus accordé 2,5 milliards d'aide fiscale ciblée aux entreprises.
Ces subventions créent un avantage compétitif injuste entre les entreprises qui reçoivent l'aide et celles qui ne la reçoivent pas. Exemple vécu: dans les années 80, quand j'étais président de CFCF Inc., l'entreprise possédait un grand studio de production de télévision sur l'avenue Ogilvy, à Montréal, qu'elle louait à des producteurs indépendants. Malgré mes objections, Télé-Québec a reçu une importante subvention pour construire un nouveau studio. Conséquence: mon entreprise a perdu des clients en faveur de Télé-Québec qui, avec un studio neuf payé par les contribuables, offrait de meilleurs prix. Mes techniciens ont été mis à pied (ce qui n'a pas fait les manchettes), mais le ministre a pu couper un beau ruban lors de l'inauguration officielle - et vanter la création de nouveaux emplois à Télé-Québec.
Les subventions impliquent toujours en fin de compte un «malinvestissement» correspondant au fait que des ressources économiques sont détournées de leur usage le plus rentable et ne sont plus disponibles pour être investies ailleurs dans l'économie. Les contribuables sont forcés de miser leur argent sur le succès plus ou moins probable de projets subventionnés risqués, déterminés pour des raisons qui peuvent relever plus de la rentabilité politique qu'économique.
Les aides fiscales n'attirent pas d'investissements, car ce sont les taux d'imposition, la prudence fiscale des gouvernements et la qualité des infrastructures de transport qui sont les plus importants facteurs dans une décision d'investissement. Par contre, les entrepreneurs sont obligés de gaspiller du temps et des ressources et d'engager les lobbyistes pour s'assurer des subventions auprès des pouvoirs publics.
Autre conséquence indésirable?: contrairement au marché qui punit rapidement les mauvais investissements, il est difficile de mettre fin à l'aide financière, car la clientèle qui en profite fera des pieds et des mains pour conserver ses privilèges.
Et même si l'aide créée des emplois là où elle est reçue, elle entraîne du chômage là où ont été prélevés les impôts servant à la financer.
Évidemment, il y a toujours une bonne intention derrière les subventions (c'est «stratégique» ou «structurant», ça va aider à contrer les gaz à effet de serre, bla-bla-bla). Mais maintenant que le gouvernement du Québec se fait servir sa propre médecine, il voudra peut-être faire le ménage dans sa propre cour avant de lancer la première pierre.
***
Adrien Pouliot
L'auteur est président de Draco Capital Inc., une société d'investissement privée.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé