Victoire du Sinn Fein nationaliste aux législatives irlandaises : "le peuple veut un gouvernement plus protecteur"

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Secousse sismique politique : l'Irlande marche-t-elle vers la réunification ?

Après près d’un siècle de domination, le règne exclusif et alterné des deux grands partis irlandais, le Finn Gael libéral et le Fianna Fail centriste, a pris un sérieux coup, lors des législatives de ce dimanche 9 février, avec l’arrivée en tête d’un outsider, le Sinn Fein nationaliste, crédité de 24,5% des suffrages, contre 22,2% à Fianna Fail et 20,9% au Finn Gael du premier ministre sortant Leo Varadkar.


"C’est une révolution. La fin d’un système bipartiste", s’est réjouie la cheffe du Sinn Fein, Mary Lou McDonald. Un résultat qualifié de "magnifique victoire historique" par le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, qui y voit la "victoire de la ténacité et d'une volonté nationale sur des bases sociales claires" rappelant que Sinn Fein est, comme LFI, membre de la GUE, le groupe de la gauche radicale au Parlement européen. Idem pour le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, qui félicitait ses "amis du Sinn Fein pour leur résultat historique. Ils ont su porter les priorités des Irlandais : défense du logement, de la santé, de la retraite ! Faisons pareil en France".


Une semaine à peine après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le jeune premier ministre libéral sortant, Leo Varadkar, avait centré sa campagne sur le Brexit, un sujet qui s’est avéré loin d’être prioritaire dans les préoccupations des électeurs. "C’est le résultat du mécontentement à l’égard du manque de logements et de la crise des services de santé. Le peuple souhaite un gouvernement plus protecteur", confirme Kevin O’Rourke, professeur d’histoire économique à Oxford, et auteur d’une Brève historie du Brexit (Editions Odile Jacob 2018). "Le Finn Gail au pouvoir a perdu beaucoup d’électeurs, perçu comme étant trop à droite, trop libéral", ajoute-t-il, tout en tempérant le triomphe proclamé du Sinn Fein : "Il faut en même temps se souvenir du fait que Fianna Fáil a gagné l’élection, obtenant plus de sièges que les autres partis." En effet, les électeurs irlandais sont invités pour les législatives à classer les candidats par ordre préférentiel sur leurs bulletins de vote, de sorte qu'arriver en tête en nombre de voix ne signifie pas avoir le plus grand nombre de sièges.


De longues négociations sont maintenant à prévoir pour former une coalition de gouvernement. Contrairement à Leo Varadkar, qui avait exclu toute forme d’alliance avec l’ex-branche politique de l’IRA, - "un mariage forcé ne résulterait pas en un bon gouvernement", a-t-il dit, le chef du Fianna Fail Micheal Martin semble plus flexible sur la question. La cheffe du Sinn Fein, pour sa part, n’y semble pas favorable : "Je veux que nous ayons un gouvernement pour le peuple, un gouvernement sans Finna Fail et Fine Gael", a martelé Mary Lou McDonald, annonçant avoir amorcé des contacts avec les autres partis, notamment les Verts et les Socio-démocrates. "Cette forme de politique d’exclusion est mauvaise et absolument contreproductive" a-t-elle déclaré.


Le leader historique du Sinn Fein, Gerry Adams, démissionnaire de ce poste en 2018, a aussitôt déclaré que le parti "utiliserait son mandat pour planifier une Irlande unie". Partisan d’une réunification de l’île, le Sinn Fein n’a pas pour l’heure mis en avant cette question. "Dans ce scrutin, ce sont les questions de politique intérieure qui ont dominé. La question de la réunification n’est pas prioritaire, mais si le Brexit tourne au désastre cela peu changer", estime Kevin O’Rourke. "Le Brexit est une catastrophe pour l’île et surtout pour le Nord qui est déstabilisé. Pour le sud, il y a toujours un risque réel du retour des douanes entre les deux îles, ce qui porterait un coup dur à l’économie rurale irlandaise".