Une présumée victime d’Yves St-Denis interpelle Philippe Couillard

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Le PLQ était au courant des inconduites depuis 2014

Une victime présumée du député d’Argenteuil Yves St-Denis interpelle le premier ministre, Philippe Couillard, afin qu’il réclame la démission de l’ex-élu libéral, ciblé par des allégations de gestes à caractère sexuel.


« C’est irresponsable de la part de nos politiciens d’accepter que de tels comportements aient lieu de la part des élus, des gens qui sont là pour nous représenter. On les met en poste pour leur jugement, pour leur capacité à être professionnel. Le premier ministre, je trouve que c’est un manque de jugement et de professionnalisme de sa part, et je tiens à réitérer ce message », a déclaré Marjorie Bourbeau dans un entretien avec Le Devoir.


L’ex-conseillère municipale de Saint-Adolphe-d’Howard, dans les Laurentides, a d’abord révélé au Huffington Post, le 24 avril, qu’elle avait porté plainte à la police contre Yves St-Denis pour agression sexuelle. Ses déclarations s’ajoutent à celles d’une employée du Parti libéral du Québec (PLQ) qui a révélé le 17 avril avoir reçu, en avril 2014, une photo sexuellement explicite de la part du député. Yves St-Denis ne fait face à aucune accusation.


Le Devoir s’est aussi entretenu avec Marjorie Bourbeau, et c’est lors de cette conversation qu’elle s’est dite « dégoûtée » de la gestion de l’affaire St-Denis par le premier ministre Couillard et le PLQ. Le Devoir a pu confirmer, de source sûre, que le parti a été informé en 2014 d’allégations d’une employée politique au sujet de l’envoi d’une photo pornographique par le député d’Argenteuil. « Que le premier ministre ou que le parti n’ait rien fait depuis 2014, ça me dégoûte. Je trouve que c’est un manque flagrant », a déclaré Marjorie Bourbeau. À son avis, le député St-Denis devrait démissionner.


Dans un communiqué envoyé le 25 avril, le PLQ a admis qu’il « apparaît possible », « même si ceci demeure au stade de l’hypothèse », « vu le cadre informel de la discussion décrite par l’employée [qui aurait dénoncé Yves St-Denis en 2014], qu’il y ait eu une mauvaise compréhension entre les deux personnes sur les suites à donner à la dénonciation dont la nature était informelle, menant ainsi possiblement à l’absence de suivi formel ».


QS et le PQ réclament une démission


Jusqu’ici, Québec solidaire et le Parti québécois se sont avancés pour réclamer la démission d’Yves St-Denis. La Coalition avenir Québec a plutôt dit faire « appel à [sa] conscience ». « Je vois mal comment ils pourraient venir de nouveau siéger ici », a déclaré l’élue caquiste Lise Lavallée au sujet d’Yves St-Denis et de Gerry Sklavounos, un autre ex-élu libéral ciblé par des allégations d’inconduite sexuelle. Ni l’un ni l’autre ne font face à des accusations.


Philippe Couillard a quant à lui souligné que le député d’Argenteuil ne fait plus partie du caucus libéral. « C’est à lui de prendre une décision », a-t-il déclaré. Il a réfuté les allégations voulant que le PLQ ait été alerté des gestes de son élu dès 2014.


Le Devoir a communiqué brièvement avec le député St-Denis. « Je nie formellement toute agression, inconduite ou harcèlement de type sexuel avec Mme Bourbeau ou quiconque, a-t-il écrit. Étant donné le volet juridique de ce dossier, je n’émettrai aucun autre commentaire à ce sujet. »


Sur sa page Facebook, le député s’est excusé « très sincèrement » le 22 avril dernier d’avoir envoyé une « photo explicite » à une employée du PLQ en 2014. « Force est de constater aujourd’hui, à quelques mois des élections, que je suis au centre d’exagérations, de mensonges et de diffamations de toutes sortes en vue de mettre un terme à ma carrière de député », a-t-il écrit.


Sa façon de dire « moi aussi »


Marjorie Bourbeau dit avoir porté plainte à la Sûreté du Québec de la MRC des Pays-d’en-Haut le 17 avril, en raison de gestes que le député St-Denis aurait posés le 25 mai 2017. Elle a enregistré une déposition filmée le 26 avril, au poste de police de Sainte-Agathe-des-Monts.


Le service de police a confirmé qu’« une personne s’est présentée au poste concernant certaines allégations ». « On est en cours de validation », a déclaré l’agent Marc Tessier. Il a refusé de confirmer le nom de la plaignante et celui de la personne visée par la plainte.


C’est d’abord l’impulsion du mouvement #MoiAussi, puis les dénonciations visant Yves St-Denis, qui ont encouragé Marjorie Bourbeau à briser le silence, selon ce qu’elle a raconté au Devoir.


Le 25 mai 2017, elle aurait soupé au restaurant Gio’s, à Saint-Adople-d'Howard, en compagnie d’Yves St-Denis, de l’employée du PLQ Dominique Boyer et de son amie Naomie Goyette, actuellement candidate libérale dans la circonscription de Prévost. Le Devoir a vu une photo prise lors de ce souper, sur laquelle apparaissent les quatre convives. Naomie Goyette nous a aussi confirmé avoir été présente à ce repas.


Selon les récits de Marjorie Bourbeau et de Naomie Goyette, le groupe se serait ensuite déplacé chez cette dernière, à l’exception de Dominique Boyer. Après quelques verres et des prestations de karaoké, Yves St-Denis se serait invité chez Marjorie Bourbeau. L’élu aurait ensuite « insisté » pour « dormir dans son lit », en précisant qu’il voulait simplement « se coller », a raconté la femme de 39 ans. « Moi, je l’ai repoussé parce que je voyais son jeu », a attesté Marjorie Bourbeau. « J’ai dit : non, non, non, ça ne me dérange pas que tu dormes chez nous, mais tu dors sur le divan ou dans la chambre d’ami. Et là, il s’est montré insistant. »


Naomie Goyette se souvient d’avoir invité les autres à dormir à la maison qu’elle partage avec son conjoint, au terme de la soirée. « Lorsque nous avons rejoint la chambre [pour nous coucher], les convives étaient toujours au salon. Au petit matin, personne n’était sur les lieux », a-t-elle déclaré.


« J’ai été claire »


Dans la résidence de Marjorie Bourbeau, après avoir été repoussé une première fois, Yves St-Denis aurait battu en retraite pour jouer du piano. « Il était rendu assez tard, je suis allée me coucher », a raconté la femme. « J’étais comme en train de m’endormir et là, il est entré dans ma chambre, il s’est assis sur mon lit, a commencé à essayer de m’embrasser. »


Marjorie Bourbeau dit s’être retournée, embarrassée. « Je ne comprenais pas ce qui arrivait et je n’avais vraiment, mais vraiment pas envie de vivre une situation comme ça. Donc je me suis comme tourné la tête une couple de fois. Je l’ai comme repoussé, j’ai comme expliqué que ça ne m’intéressait pas. Il me flattait les cheveux, commençait à m’embrasser partout dans la face. J’étais comme : ark, ark, ark ! » a-t-elle raconté.


Yves St-Denis aurait persisté. « Il s’est mis à me faire des compliments, tout ça, à me dire que lui prendrait bien soin de moi », a poursuivi celle qui a été conseillère à Saint-Adolphe de 2013 à 2017. « Je me suis comme mise à brailler, je l’ai comme poussé, j’ai dit : là, ça suffit. Je n’ai pas besoin de personne pour prendre soin de moi. Tu prends tes affaires, tu sors de ma chambre », a-t-elle ajouté. « J’ai été claire : tu peux dormir sur le divan si tu n’es pas en état de conduire, ou dans la chambre en bas. Il a décidé de partir. Il a pris sa voiture et il est parti chez lui. »


Une amie de Marjorie Bourbeau, Lise Tanguay Chowdhury, se rappelle avoir reçu des confidences sur les événements une première fois à l’été 2017 et une seconde fois au cours de l’hiver de cette même année. « Il a insisté pour aller dans la chambre de Marjorie. Il s’est imposé en l’embrassant avec force. Et c’est là que j’ai dit : je suis incapable d’en entendre davantage », a-t-elle dit au Devoir. Le conjoint de Marjorie Bourbeau, François Désilets, en a entendu parler pour la première fois il y a trois ou quatre mois. « Je suis au courant. [C’était] un homme dans la politique qui était autour d’elle », a-t-il déclaré au Devoir.


Plusieurs messages


Le Devoir a pris connaissance de nombreux messages envoyés avant le 25 mai 2017 et dans lesquels Yves St-Denis invitait Marjorie Bourbeau à faire des activités avec lui. Il souhaitait notamment lui offrir « des bulles » pour son anniversaire, en avril 2017. Le lendemain des événements du 25 mai, l’élu a tenté de l’appeler. Il lui a ensuite envoyé un message. « Et puis ??? Est-ce que ta nuit s’est bien passée finalement ? J’espère que tu n’avais pas trop mal aux cheveux finalement. De mon côté, cela a été une dure journée !!! » a-t-il écrit.


> La suite sur Le Devoir.



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