ARRESTATION DE NATHALIE NORMANDEAU

Un silence embarrassant

Le PLQ a-t-il tiré les leçons qui s’imposent des scandales éthiques récents?

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Le jeu politique empêche toute prise de conscience salutaire

Le malaise était palpable. Cinq ans et demi plus tard, il refait surface. En novembre 2010, le militant libéral Martin Drapeau avait mis le Parti libéral du Québec (PLQ) en émoi en réclamant une commission d’enquête sur l’industrie de la construction. Les centaines de membres du parti réunis en conseil général avaient accueilli sa proposition par un lourd silence. Personne ne l’avait appuyé. Martin Drapeau était vraiment seul, littéralement, à se tenir debout au micro ce jour-là.

Quand l’Unité permanente anticorruption (UPAC) a arrêté l’ex-vice-première ministre Nathalie Normandeau, l’ancien ministre Marc-Yvan Côté et cinq autres proches du PLQ et du Parti québécois, cette semaine, Martin Drapeau a poussé un soupir de soulagement. « Je me suis dit : "Enfin, il était temps !" Vraiment, c’est épouvantable ce qui s’est passé », dit-il au Devoir.

Mauvais moment

Ce conseiller financier de Boisbriand passait un très mauvais moment quand il a fait sa sortie en faveur d’une enquête sur la construction, à l’automne 2010. L’entrepreneur Lino Zambito venait de le poursuivre pour 150 000 $. Martin Drapeau a finalement remporté la bataille : un tribunal a tranché qu’il s’agissait d’une poursuite-bâillon visant à le faire taire. Zambito a été condamné à lui verser 15 000 $. Depuis, l’entrepreneur déchu a reconnu sa culpabilité à six chefs d’accusation de fraude, de complot et de corruption en lien avec des contrats à Boisbriand. Zambito a aussi reconnu avoir versé des ristournes à des partis politiques et à la mafia, avant de déballer son sac à la commission Charbonneau.

Soupçons fondés

On sait maintenant que les soupçons de Martin Drapeau étaient fondés. Il y avait quelque chose de pourri dans l’industrie de la construction. Dans la politique aussi. « Lino Zambito se sentait protégé de partout, il se pensait tout permis. J’ai vu pourquoi en suivant la commission Charbonneau et en voyant les accusations contre Mme Normandeau jeudi », raconte Martin Drapeau.

Pas pour rien que Nathalie Normandeau a reçu une douzaine de roses de Lino Zambito à son anniversaire, et des billets pour les spectacles de Céline Dion et Madonna. Elle cultivait ses relations avec des entrepreneurs qui contribuaient généreusement à la caisse électorale du PLQ. La vice-première ministre dans le gouvernement Charest était une des meilleures du parti pour amasser des fonds — 184 541 $ en 2008 seulement. Les ministres avaient de la pression pour amasser de l’argent : Jean Charest exigeait qu’ils fassent tinter au moins 100 000 $ par année dans la caisse du parti.

« La réforme du financement des partis, qui a instauré le principe du financement public, a entraîné un changement de culture au Parti libéral », estime Martin Drapeau. Militant convaincu du PLQ, il n’a aucune gêne à vanter une politique instaurée par le gouvernement Marois. Les partis sont désormais largement financés à même les fonds publics. Les citoyens peuvent verser un maximum de 100 $ par année aux partis. « Il faut se rendre compte que l’argent, ça peut corrompre la démocratie assez vite », dit M. Drapeau.

Examen de conscience

Ce militant libéral a beau être rassuré depuis l’arrivée de Philippe Couillard à la tête du PLQ, des membres influents du parti admettent ressentir un malaise devant le silence de celui-ci en lien avec la corruption. Il est vrai que le premier ministre Couillard et ses ministres ont balayé de façon expéditive les questions soulevées par les arrestations de cette semaine. Comme si ça n’existait pas. La légendaire discipline du Parti libéral, qui lui dicte de laver son linge sale en famille, s’est révélée de façon éclatante.

Une aubaine pour les partis de l’opposition, qui accusent Philippe Couillard de fermer les yeux sur la corruption au sein du PLQ (même si le PQ doit se garder une petite gêne : deux militants péquistes figurent parmi les accusés aux côtés de Nathalie Normandeau). « Les chefs d’entreprise ou de partis politiques admettent difficilement que leur organisation peut avoir un problème de corruption, parce que ça coûte très cher — en votes ou en baisse de la valeur des actions », dit Denis Saint-Martin, professeur de science politique à l’Université de Montréal.

Les libéraux fédéraux ont traversé un purgatoire de 10 ans dans l’opposition après le scandale des commandites, rappelle-t-il. Dans toutes les démocraties occidentales, les partis de pouvoir comme le Parti libéral (fédéral et provincial) sont plus vulnérables aux tentatives de corruption que les partis idéologiques, explique Denis Saint-Martin. « C’est un fait objectif. M. Couillard ne devrait pas avoir de problème à l’admettre. Peut-être que ce qui arrive avec Mme Normandeau va déclencher une réflexion dans le parti », dit-il.
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