Provigo était un bien collectif

5e080591a3bef714250851928c44ab62

Les évidences qu'on refuse de reconnaître finissent par se retourner contre nous





Provigo: parti le siège social et moins d’achats au Québec


Oui, Provigo était la propriété de tous les Québécois par le biais de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Pour un pays, y a-t-il un instrument collectif plus stratégique pour son industrie agroalimentaire, et les milliers d’emplois qui y sont rattachés, que de détenir un aussi grand détaillant qui décide où et de qui il va acheter ses produits pour les mettre sur ses tablettes? Sans compter la présence locale de son immense siège social et des services professionnels requis: avocats, banquiers, comptables, marketing, génie, etc.


Qu’à cela ne tienne, l’idéologie de colonisé prime et c’est en 1998 que le gouvernement péquiste, pourtant souverainiste et nationaliste, a autorisé la vente de ce joyau public à l’Ontarienne Loblaws, elle-même contrôlée par George Weston de Colombie-Britannique. Tout simplement sidérant. Une si belle entreprise développée au fil des ans et à coups de fusions par les familles québécoises Couvrette, Provost, Denault, Lamontagne et autres. Au Québec, malheureusement, les gens n’ont aucune fierté, aucune fibre nationale. Les fondateurs doivent s’être retournés dans leur tombe lors du bradage de ce trésor québécois qui a beaucoup profité aux actionnaires de la compagnie qui, sans avoir rien créé, bien au contraire, se sont octroyé des millions en options d’achats d’actions comme RONA, Cambior, Bombardier, Biochem Pharma, etc.


Ah ben là aussi, comme dans les autres cas, entre autres Alcan, on vous avait promis que le siège social de Provigo était pour rester au Québec et que les producteurs alimentaires de la province allaient pouvoir augmenter leurs ventes, non seulement au Québec, mais aussi à l’extérieur, grâce à l’accès au vaste pouvoir d’achat de Loblaws. Évidemment, comme vous le constaterez, rien de tout ça ne s’est concrétisé, bien au contraire.


Adios le siège social de Provigo, beaucoup moins d’achats au Québec. Après le gouvernement et le patronat veulent que l’on achète québécois. Si on ne fabrique plus de produits alimentaires au Québec et si ceux qui restent ne peuvent plus les vendre même au Québec afin d’être sur les tablettes en magasins, comment voulez-vous que l’on mange québécois? Car dans l’agroalimentaire, il y a eu aussi Carrière, Culinar, Delisle, Durivage, Vachon, Habitant, Liberté, Pom, Multi-marques, etc. qui ont été vendus à des intérêts étrangers. Alors, il faut rire quand on voit actuellement le Conseil du patronat du Québec, qui a approuvé la vente de toutes ces entreprises québécoises à des étrangers, lancer: «Une offensive pour favoriser l’achat local» et de supplier les Québécois «de faire un effort» (Le Journal de Montréal, 22 janvier 2016). La cohérence est un autre maillon faible de la logique économique du Conseil du patronat du Québec (CPQ).


Pas ben ben mieux que le CPQ, je dirais même pareil, car les deux se rejoignent en tout, le gouvernement libéral et son ex-ministre de l’agriculture, le regretté Claude Béchard (décédé beaucoup trop jeune) avait clamé lors du congrès de l’Union des producteurs agricoles: «Béchard veut des produits québécois sur les tablettes» (Le Devoir, 4 décembre 2009). Me semble que ça prend pas une lumière pour comprendre que pour avoir des produits québécois sur les tablettes il faut en retrouver sur les tablettes. Et pour en avoir sur les tablettes, il faut avoir le contrôle de ces mêmes tablettes. Si les achats de produits alimentaires vendus au Québec sont centralisés à l’étranger, les chances ne sont pas du bord de nos producteurs québécois plus petits, avec un réseau restreint par rapport aux gros manufacturiers américains.


Provigo vendue en 1998 à des étrangers


Inquiétez-vous pas et dormez sur vos deux oreilles qu’ils vous avaient encore répété alors. Le siège social de Provigo restera au Québec, nous avons eu des promesses «verbales» et nous leur faisons confiance. Ah ben, en 2002, déjà on élimine 50 postes d’informaticiens au siège social de Provigo à Montréal: «Provigo restructure ses services informatiques» (La Presse, 14 février 2002).


Et puis, badoum, en 2008, le siège social de Provigo au Québec est passé de 1200 employés à moins de 700 employés: «De siège social à centre de services» (Les Affaires, 31 mai 2008). Comme le chantait Dalida: «Paroles, paroles, paroles». Et ça continue: «Loblaws fait le ménage [un autre!] au Québec». Après avoir fermé, en 2004, deux centres de distribution au Québec et licencié 140 travailleurs, voilà qu’en 2006 Provigo annonce: «Loblaws ferme 19 super marchés au Québec malgré la hausse de profits. 800 personnes pourraient perdre leur emploi» (Le Devoir, 17 novembre 2006). Et «Loblaws ferme deux centres de distribution au Québec» (Le Journal de Montréal, 30 mars 2003).


Et attention, badang: «Loblaws: 1000 postes de cadres seront éliminés. Des employés du bureau régional de Saint-Laurent y perdront leur poste» (Le Journal de Montréal, 23 janvier 2007). Hausse des profits d’accord, mais la compagnie et ses actionnaires en veulent plus. Alors, il suffit de «flusher» quelques milliers d’employés, considérés comme de vulgaires ustensiles, et voilà le tour est joué. Et il y a l’actuel ministre libéral des finances, le sublime Carlos Leitao, qui viendra dire que ces mises à pied ne sont pas une «catastrophe», malgré ce que chaque mise à pied peut représenter de catastrophique dans la vie et la famille des travailleurs. Il y a des gens comme ça qui sont insensibles et indifférents à la détresse des autres. C’est l’application du «me, myself and I».


La trappe pour les producteurs québécois


Vos élus du temps, comme ceux d’aujourd’hui, vous disaient que les producteurs québécois n’avaient aucune crainte à avoir. Au contraire, ils vendraient plus depuis que la compagnie a été vendue à des étrangers. C’est l’ânerie qu’a répétée la nouvelle ministre libérale de l’Économie, madame Dominique Anglade, lors de la vente de RONA à l’américaine Lowe’s.


Si on revient à Provigo, oh surprise. Ça démarre en trombe au mois de juillet 2003: «Provigo, les fruits et légumes seront achetés à partir de Toronto» (Le Journal de Montréal, 26 juillet 2003). Et ça continue avec cette autre bonne nouvelle: «Centralisation de Loblaws à Toronto. L’agroalimentaire québécois s’inquiète» et «Restructuration chez Loblaws. Les producteurs québécois s’inquiètent» (La Presse, les 5 mai 2006 et 24 janvier 2007). Ben non, faites-vous-en pas que continuaient à claironner nos politiciens. Et puis, bim, boum, bam et pataf: «Loblaws dit au revoir à une centaine de petits producteurs québécois» (La Presse, 23 avril 2009). Et le Conseil du patronat du Québec qui nous incite à manger québécois. À la fois de la naïveté et de l’hypocrisie de la part du CPQ. Tiens, une autre petite vite de rien du tout: «Cordon Bleu perd un contrat de Loblaws» (La Presse, 30 août 2010). Meilleure chance la prochaine fois, même s’il n’y aura pas de prochaine fois.


Pour en arriver, au-delà des mensonges, à ce qui devait arriver: «Alimentation Provigo, “un désastre”. La vente du géant québécois a eu de graves conséquences» (Le Journal de Montréal, 23 août 2012). Nos élus le savaient fort bien lors de la vente de Provigo en 1998 à Loblaws, mais ils vous ont encore menti, comme dans les cas de RONA, d’Alcan, de Domtar, de Cambior, etc.


Nos politiciens avaient pourtant juré que c’était pour être facile. Et comme l’industrie du détail, au niveau de l’alimentation forme un cartel au Québec (Loblaws, Sobeys (IGA) et Métro), ça donne ceci comme résultat: «La concentration en catimini de la distribution alimentaire. Le Québec exclu des tablettes» (L’Alternative, juillet 2008). Et ça fait aussi que: «Des produits québécois moins visibles» (Le Journal de Montréal, 25 juillet 2008). Mais les libéraux et le patronat persistent qu’il faut quand même acheter québécois, même si on ne contrôle plus grand-chose. Soyez résilient. Et perspicaces dans vos recherches, peut-être trouverez-vous un jour un produit québécois sur les tablettes d’un de nos gros détaillants québécois. Bonne chance, car vous en aurez besoin. Il n’y a que des électeurs colonisés pour voter pour des gouvernements vendus, même ceux qui se prétendent souverainistes. Le Parti québécois était même prêt à privatiser Hydro-Québec et la Société des alcools du Québec.


Finissons avec une drôlerie Costco


D’abord la nouvelle: «Costco refuse de dire s’il vend du porc québécois» (La Presse, 22 mai 2012). Pas bien difficile à décoder et à déchiffrer les silences de Costco. Soyez assurés que si Costco vendait dans ses magasins du Québec des côtelettes de porc produites au Québec, la compagnie s’en vanterait dans sa publicité afin de fidéliser plus de consommateurs dans la province. Les dirigeants de Costco ont préféré garder le silence pour ne pas mentir et dire des énormités. Bah, c’est pas pantoute une «catastrophe», dixit Carlos Leitao. Les éleveurs n’ont qu’à vendre leur porc et leur bœuf à leurs fermes. Ça fait tellement champêtre. Les touristes aiment ça. Par la même occasion avec le traité de libre-échange qui s’en vient avec l’Europe, pourquoi ne pas en profiter pour vendre votre fromage, votre sirop d’érable et votre vin du Québec dans un petit «stand» installé à l’avant de la maison du fermier? Vous allez en vendre autant que si vous étiez présents sur les tablettes des supermarchés. Cou’donc, ça s’attrape cette maladie de dire n’importe quoi: suis-je rendu un politicien?




Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé