Lettre aux élus du Parti québécois

Pourquoi êtes-vous là, chers députés?

Et puis, je vous mets au défi : pourquoi chaque député du Parti québécois et du Bloc québécois ne donnerait-il pas 10 % de son salaire au Conseil de la souveraineté afin de constituer un fonds dédié à la promotion de la souveraineté, et ce, tant et aussi longtemps que celle-ci ne sera pas réalisée ? Voilà une profession de foi et un geste concret de votre part qui permettrait aux simples militants de recommencer à vous prendre un peu plus au sérieux.

Conseil de la Souveraineté - Quartier général de la lutte pour l'Indépendance nationale

Chers députés péquistes, voilà des mois, que dis-je, des années que je brûle de vous poser la question suivante: qu'est-ce que vous faites à Québec, pourquoi êtes-vous là? Moi, le militant fatigué, usé, désespéré, si je n'ai jamais osé vous poser cette question, c'est qu'à tout coup je me suis fait prendre au jeu cyclique de la politique partisane et électoraliste. Tout juste avant les élections, un bon militant n'ose pas poser cette question de peur de nuire à la «cause». Tout juste après une élection, on se dit qu'il faut laisser le temps au parti d'organiser sa stratégie.
Mais là, à deux ans d'une prochaine élection, je vous le demande: fondamentalement, qu'est-ce qui vous motive, pourquoi occupez-vous ce siège à l'Assemblée nationale, vous, députés souverainistes? En accord avec l'article 1 du programme du Parti québécois, je sais que vous me direz que vous êtes là pour réaliser la souveraineté. Malheureusement, lorsque je vous écoute, j'ai plutôt l'impression que vous êtes là avant tout pour prendre le pouvoir afin de former un «bon gouvernement».
Ce qui me fait penser une telle chose, c'est que du projet souverainiste, en ce moment et depuis plusieurs années, vous ne parlez pas. Vous évitez ce sujet comme si c'était une maladie honteuse. Évidemment, entre vous, en congrès ou dans une cabane à sucre, vous bombez le torse en y allant de grandes déclamations sur les Patriotes, la nation québécoise et la disparition imminente de la langue française. Mais à l'Assemblée nationale, lors de la période de questions, ou dans les médias, à travers lesquels vous avez la possibilité de rejoindre des millions de citoyens, vous n'en dites rien, ou si peu.
Des réponses
Pas plus tard que la semaine dernière, Pierre Curzi était à Tout le monde en parle pour causer de la loi 115 sur les écoles passerelles. Eh bien, jamais il ne lui est venu à l'esprit de préciser que si le Québec était un État souverain, ce genre de débat sur la langue française ne se poserait plus. Comment expliquer cet oubli au sujet de ce qui est censé être au coeur de la raison d'être d'un député indépendantiste?
Même chose lors de la période de questions à l'Assemblée nationale. S'il est normal pour un parti traditionnel et fédéraliste de l'opposition officielle d'interroger le gouvernement sur les affaires courantes, je crois qu'il est anormal qu'un parti souverainiste se contente de jouer tout gentiment ce rôle. Lors de la période de questions, vous devriez exiger du gouvernement fédéraliste de Jean Charest qu'il réponde du Canada et des nombreux dysfonctionnements, blocages, frustrations et divergences qui sont le lot des rapports Québec-Canada depuis tant d'années.
C'est sur les épaules du Parti libéral que devrait reposer le fardeau de la preuve des supposés bienfaits du statu quo. Les ministres du gouvernement libéral devraient avoir à répondre des incongruités et des limites du système canadien, même si cela ne relève pas de leurs compétences provinciales — surtout si cela ne relève pas de leurs compétences puisque ce sont eux qui font la promotion de l'idée de demeurer dans ce régime fédéraliste.
Chaque semaine, l'actualité nous fournit des exemples de dysfonctionnement du fédéralisme: énergie, agriculture, droits d'auteur, protection du français, industrie forestière, olympisme, sans oublier l'environnement. Le Parti québécois devrait utiliser ces exemples non pas pour bêtement «blâmer le fédéral», mais pour démontrer, en raison de l'impuissance des fédéralistes québécois à défendre nos intérêts, que si le Québec était un pays, nous serions davantage en mesure de nous occuper de nos propres affaires. Ainsi, le rôle d'une opposition souverainiste ne devrait pas consister à attirer l'attention sur les lacunes d'un gouvernement provincial, mais sur l'ensemble des failles du régime canadien qui empêchent le Québec d'exprimer son plein potentiel.
En mission
Députés péquistes, j'ai une nouvelle à vous annoncer: vous ne faites pas partie d'un parti traditionnel. Vous n'êtes pas des députés comme les autres. Prendre le pouvoir pour le pouvoir ne devrait pas être votre raison d'être. Vous êtes là pour provoquer une réelle révolution dans les institutions comme dans les esprits; vous êtes là pour promouvoir l'émergence d'un nouvel État sur l'échiquier mondial. Ce n'est pas rien!
Alors que vous devriez vous présenter comme des êtres en mission, comme les membres d'un commando, trop d'entre vous se comportent plutôt comme des touristes, des petits politiciens de province plus préoccupés à cueillir le fruit du pouvoir — ou de leur retraite — qu'à travailler pour la raison fondamentale pour laquelle ce parti a été fondé: faire l'indépendance du Québec.
Mais pendant ce temps, qu'est-ce qui arrive sur la scène politique? À force de marcher sur le bout des pieds pour ne pas faire de bruit, vous vous faites dépasser sur votre gauche et sur votre droite par les autres partis tout en démotivant ou même en écoeurant votre base de militants qui depuis des décennies contribuent à la vitalité de votre parti par leurs contributions financières et leurs efforts. En fait, les déboires du gouvernement Charest semblent davantage vous aider à cacher votre manque d'inspiration ou de détermination qu'à illustrer par l'absurde la nécessité de faire l'indépendance.
Députés péquistes, si vous voulez avoir ma contribution aux prochaines élections, reprenez maintenant le bâton du pèlerin, parlez-nous maintenant du projet de pays, faites-nous rêver, soyez créatif dans votre entreprise pédagogique, dites-nous comment vous voulez vous y prendre concrètement pour réaliser ce projet. En ce moment, on vous sent à la remorque des sondages, de l'actualité, de l'air du temps... Vous devez accepter le fait que comme parti, vous allez vivre ou mourir en faisant franchement la promotion de la souveraineté, non en évitant le sujet ou en vous réfugiant dans vos lubies d'une gouvernance souverainiste. Les Québécois ont déjà joué dans ce film d'horreur.
Et puis, je vous mets au défi: pourquoi chaque député du Parti québécois et du Bloc québécois ne donnerait-il pas 10 % de son salaire au Conseil de la souveraineté afin de constituer un fonds dédié à la promotion de la souveraineté, et ce, tant et aussi longtemps que celle-ci ne sera pas réalisée? Voilà une profession de foi et un geste concret de votre part qui permettrait aux simples militants de recommencer à vous prendre un peu plus au sérieux.
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Réjean Bergeron - Professeur de philosophie et attaché politique de Lisette Lapointe lors de la dernière campagne électorale


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