Pour en finir avec Jacob Tierney

La Presse en a ajouté une couche avec les propos de Jacob Tierney, un obscur réalisateur anglophone déversant son fiel sur la soi-disant fermeture des Québécois face aux immigrants et aux anglophones.

Cinéma québécois et anglobalisation

Polémique créée de toutes pièces. Non satisfaite d’avoir fait une grande nouvelle du fait divers selon quoi Jean-Daniel Lafond, le mari de la gouverneure-générale Michaëlle Jean, rejetait le nationalisme québécois (mais pas le nationalisme canadien, bien sûr, lui qui vit sur notre bras depuis cinq ans), La Presse en a ajouté une couche avec les propos de Jacob Tierney, un obscur réalisateur anglophone déversant son fiel sur la soi-disant fermeture des Québécois face aux immigrants et aux anglophones. Même Cassivi, le laquais de service de la pute de la rue Saint-Jacques – dixit Olivar Asselin – a ajouté son grain de sel en donnant raison aux propos de Tiernay. Rétablissons les faits.
D’abord, il y a quelque chose de profondément ironique à se faire ainsi insulter par un Jacob Tiernay ayant participé à des films comme The Trotsky, Walk All Over Me, Twist, Straight Up, This Is My Father, The Neon Bible et Are You Afraid of the Dark?. L’homme, qui a grandi à Montréal et s’y sent chez lui, n’a associé son nom qu’avec des réalisations dans la langue maternelle de 8,2% de la population du Québec. Les autres, les 91,8% de la population du Québec qui n’ont pas l’anglais comme langue maternelle, ne les ignore-t-il pas? N’est-il pas lui-même fermé à la réalité du Québec d’aujourd’hui, un Québec dont la langue commune, nationale et officielle est le français? Comment peut-il insulter les Québécois, qui font des films dans la langue nationale – leur langue – d’être fermés alors que lui n’a jamais eu la moindre volonté, le moindre désir de s’intégrer au Québec?
Marc Cassivi y va de sa propre parade pour défendre Tiernay: puisque près de 40% de la population de Montréal parle une autre langue que la langue nationale, cette « diversité » devrait être présentée dans les films. Et Cassivi de se réjouir que le dernier film de Tiernay ne « gomme pas » la réalité de Montréal, une réalité qu’il affirme pluriethnique et qu’on devine multilingue. Un peu plus, et il donnerait un trophée à Tiernay pour « oser » présenter des contre-exemples, des gens ayant fait le choix de vivre en marge de la société québécoise et de refuser de s’y intégrer.
Multiculturalisme contre intégration
Le noeud du problème, encore une fois, touche aux différences fondamentales entre les visions canadienne et québécoise de ce qui constitue une société. Pour La Presse, Cassivi et Tiernay, la société est ce qui est, ce qui existe devant nos yeux. Ce n’est donc pas surprenant que la moitié du texte de Cassivi parle des immigrants qu’il voit dans son quartier. Pour les Québécois – et la plupart des autres peuples sur cette planète – la société constitue, cependant, un idéal à atteindre, une vision commune de ce qui doit être.
Ainsi, la France, l’Allemagne, l’Italie, ne conçoivent pas leurs pays respectifs comme des photoramas de ce qui existe présentement; à leurs yeux, un immigrant ne parlant pas la langue nationale et ne partageant pas la moindre des valeurs nationales ne constitue pas un élément du multiculturalisme ou de la diversité de la nation, mais plutôt un immigrant à intégrer au destin commun du pays. On ne fera pas un film à propos d’un immigrant ne parlant pas la langue nationale en célébrant ce fait, mais bien davantage en soulignant les problématiques de l’intégration.
Au Canada, par contre, on s’appuie sur la force tranquille de l’impérialisme linguistique de l’anglais et on se permet de célébrer toute forme de différence parce qu’on a la conviction, qu’à long terme, l’anglais saura s’imposer. On considère que l’immigrant fraîchement débarqué, ou que le citoyen d’origine sikh qui réclame le droit de ne pas avoir à porter de casque de protection à cause de ses croyances religieuses, sont autant Canadiens que n’importe qui d’autre. Est Canadien qui habite le territoire canadien, simplement, parce qu’à long terme, l’anglais et les valeurs communes – ou l’absence de valeurs communes – finiront par s’imposer. C’est un peu cela, le multiculturalisme.
Au Québec, une telle façon de faire serait suicidaire. Si on décidait d’accepter qu’il y a des immigrants qui ne parlent pas français, ne veulent pas parler français, détestent le français; si on décidait de respecter de souligner l’apport de la « communauté » anglophone, on se condamnerait à la désintégration sociale et à empêcher toute forme d’intégration des immigrants à la langue et à la culture nationales. Ce serait la disparition rapide et finalement du peuple québécois.
En d’autres mots: quand Tiernay affirme que le cinéma québécois est fermé, il émet le souhait que nous considérions les anglophones et les immigrants rejetant le caractère francophone du Québec comme des particularités québécoises plutôt que comme des individus en attente d’être intégrés à notre nation. Pour lui, le fait que les Québécois ne forment que 2% de l’Amérique du Nord ou que notre langue régresse n’a pas la moindre importance: l’immigrant qui débarque ici et qui choisit de parler anglais – nuisant ainsi à notre capacité collective de survivre en tant que peuple – devrait jouir des mêmes privilèges que ceux qui se sont intégrés à notre langue nationale. En clair: Tiernay veut nous imposer un multiculturalisme tueur de notre spécificité plutôt que d’accepter que nous ayons choisi, à l’instar de nombreux peuples, d’intégrer les immigrants et les minorités à notre culture nationale.
Notre cinéma est ouvert à l’intégration
Et ce choix que nous avons fait, il se reflète dans notre cinéma, un cinéma ouvert à l’intégration des minorités (origine ethnique, langue, orientation sexuelle, etc.), contrairement au repli sur soi et au refus de la participation à sa collectivité prônés par Tiernay. Que ce soit le film 1981, qui fait l’éloge de l’intégration d’une famille d’origine italienne, 15 février 1839, qui parle notamment du courage de Charles Hindelang, un Suisse ayant décidé de participer pleinement au combat patriote, Congorama, qui s’interroge sur les relations filiales entre un Belge (d’origine québécoise) et son enfant Noir, Les Boys, qui traite notamment de l’homosexualité dans un contexte d’acceptation par un groupe de hockeyeur, C.R.A.Z.Y., qui parle également d’intégration et d’homosexualité, et la liste continue.
Le cinéma québécois est ouvert à la différence dans une perspective d’intégration de celle-ci alors que Tiernay, lui, avec ses films unilingues anglais, dont le dernier se passe dans un quasi huis-clos de ghetto anglophone refusant de se joindre à la nation québécoise, incite à la fermeture et au rejet. Le Québec s’ouvre vers la création d’une communauté partageant une langue, une culture et des valeurs communes alors que Tiernay nous rejette et refuse de participer à cette nécessaire intégration.
Au fond, n’est-ce pas Tiernay qui constitue lui-même le pire des fermés? Alors qu’il vit sur le territoire d’une nation riche en histoire, en culture, et qui possède une langue unique méritant d’être protégée, il a fait le choix de nous tourner le dos et d’embrasser une culture anglophone n’ayant absolument rien à voir avec le Québec dont nous rêvons.
Et puisque le cinéma se fait souvent à partir de rêves, le choix de Tiernay se transforme peut-être en cauchemar, appuyé par les idéologues de La Presse, où les Québécois ne seraient plus qu’une ethnie parmi d’autres dans un beau et grand Canada coast to coast où toutes les libertés sont permises, sauf celle, évidemment, d’avoir en son sein un peuple cohérent se souhaitant un futur collectif différent.
Cette cohérence, si Tiernay l’avait, il s’en servirait pour faire un film dans la langue des Québécois. Si c’est trop lui demander, qu’il se taise et qu’il vive son racisme et sa haine des Québécois et de leur spécificité dans le silence de cette bulle de verre qu’il s’est construit autour de son égo.
Notre nation est française, et si cela ne lui plaît pas, il a tout l’Amérique du Nord pour vivre son anglomanie.


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