Mario Dumont doit clarifier sa position constitutionnelle

ADQ - De l'identité à l'autonomisme - La souveraineté confuse



Il ne faut pas attribuer à un ou deux facteurs le fait que l'Action démocratique du Québec (ADQ) ait recueilli 31 % des votes et 41 circonscriptions aux dernières élections.
Au contraire, la performance de l'ADQ tient à plusieurs raisons, dont l'insatisfaction à l'égard du gouvernement sortant, la social-démocratie à la sauce péquiste, la crainte d'un référendum rapide comme le proposait le Parti québécois (PQ), le malaise face à la personnalité d'André Boisclair, le ressentiment des régions à l'égard de Montréal, un certain embarras face aux accommodements raisonnables et, bien sûr, le désir de changement. Il est probable que les députés adéquistes de Chambly (Saint-Bruno) et de Marguerite-d'Youville (Boucherville) aient été élus surtout à cause des " défusions mal faites des libéraux ". Politicien habile et opportuniste, Mario Dumont a ratissé large et fait une excellente campagne. Et cela a rapporté gros.
On peut toutefois se demander si les électeurs qui ont appuyé l'ADQ n'ont pas davantage voté contre les autres partis. Mais quoi qu'il en soit, les électeurs ont donné au leader de l'ADQ un pouvoir énorme. Non seulement Mario Dumont est chef de l'opposition officielle, mais il se retrouve dans une position où il pourra prendre plusieurs initiatives pour soutirer des appuis, tant au Parti libéral (PLQ) qu'au Parti québécois, et préparer la prochaine élection en vue de réaliser son rêve d'être premier ministre.
Car n'allez pas croire que l'ADQ va harceler le gouvernement pour qu'il sabre plus d'emplois dans la fonction publique. Ce n'est pas ainsi qu'on courtise électeurs.
Au contraire, Mario Dumont pourrait bien exploiter davantage le premier chapitre de sa plateforme électorale, intitulé " S'affirmer sans se séparer ". L'ADQ y propose le concept politique ambigu de l'autonomie qu'utilisait l'ancien premier ministre de l'Union nationale, Maurice Duplessis.
Or, ce mot a un sens et il est certain que Mario Dumont ne l'a pas choisi innocemment. Voici la définition qu'en donne le Petit Larousse : " Possibilité de décider, pour un organisme, un individu, sans en référer à un pouvoir central, une hiérarchie, une autorité; indépendance. "
Le fait que la plateforme adéquiste parle de conduire des " négociations bilatérales et d'égal à égal avec Ottawa ", comme si Ottawa représentait le Canada anglais, et de désigner le Québec comme " État autonome du Québec " dans la constitution qu'il propose, en amène certains à conclure que les deux tiers de l'électorat ont voté, non pas pour le fédéralisme, mais pour des partis s'affichant comme indépendantistes.
On n'en est certes pas à une coalition du PQ et de l'ADQ, mais il se pourrait bien que le gouvernement libéral de Jean Charest soit aux prises un jour avec des résolutions des deux partis d'opposition demandant des pouvoirs supplémentaires à Ottawa. MM. Dumont et Boisclair auront l'embarras du choix puisqu'ils pourront puiser dans les 22 pouvoirs du rapport Allaire qui a servi de base à la création de l'ADQ en 1994.
(Ce rapport revendiquait le transfert au Québec de 22 pouvoirs assumés par le fédéral. Après que Robert Bourassa eut rejeté le rapport, Jean Allaire, Mario Dumont, qui présidait alors l'aile jeunesse du PLQ, et d'autres membres ont quitté le PLQ pour fonder l'ADQ.)
De telles manoeuvres permettraient à Mario Dumont de plaire à la fois à la clientèle péquiste qui ne veut plus de référendum et aux libéraux qui trouvent leur parti trop peu nationaliste.
Un tel scénario embarrasserait aussi Stephen Harper, qui se retrouverait à nouveau dans une situation de chantage, après avoir beaucoup donné pour aider à la réélection du gouvernement Charest : résolution à l'effet que " les Québécois forment une nation ", place du Québec à l'Unesco, amélioration de la péréquation, etc.).
Depuis, des commentateurs du Canada anglais rappellent que Mario Dumont a fait partie du camp du " Oui " lors du référendum de 1995 et suggèrent qu'il pourrait être un indépendantiste non déclaré.
Il est certes tentant pour Mario Dumont d'entretenir une certaine ambiguïté sur sa position constitutionnelle et de vouloir conserver le maximum de cartes dans son jeu, mais il serait souhaitable qu'il dise à la population s'il est vraiment fédéraliste. Ses électeurs sauraient davantage pour qui ils ont voté, et le Canada anglais serait rassuré sur ses intentions.
En utilisant l'expression " s'affirmer sans se séparer ", l'ADQ indique qu'il est fédéraliste. Par contre, en proposant des " relations d'égal à égal avec Ottawa ", l'ADQ fait réapparaître le concept du statut particulier du Québec et même de la souveraineté-association de René Lévesque. Est-ce vraiment pour cela qu'ont voté le 1,2 million d'électeurs qui ont appuyé l'ADQ ?
jean-paul.gagne@transcontinental.ca


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