Les électeurs ontariens veulent du changement, mais lequel?

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Qui du NPD ou du PCO remplacera Wynne ?

Au terme d’une campagne électorale qui a davantage donné lieu à une confrontation de personnalités que d’idées, les Ontariens semblent déterminés à déloger Kathleen Wynne lors de l’élection provinciale qui aura lieu jeudi. Après quinze ans de règne libéral, tout indique que les électeurs veulent du changement. Mais lequel ?


Il y a quelques mois, rien ne semblait vouloir arrêter le Parti conservateur de l’Ontario (PCO), pas même un scandale de nature sexuelle. En février, après la démission et la tentative de retour du chef Patrick Brown, visé par des allégations d’inconduite sexuelle, la formation caracolait à 49 % dans les intentions de vote, 25 points devant les libéraux et 30 devant le Nouveau Parti démocratique (NPD).


Depuis ce temps, Doug Ford, le frère du défunt maire de Toronto Rob Ford, a pris la barre du parti et l’avance des conservateurs a fondu comme neige au soleil. À un point tel qu’à quelques jours du vote, le PCO et le NPD sont coude à coude, tandis que le Parti libéral de l’Ontario (PLO) est relégué à la troisième place.


« Je pense que les gens ont vu M. Ford à l’oeuvre. Son style convient à certains de ses partisans, mais d’autres se disent que s’ils veulent du changement, ce n’est pas ce genre de changement là qu’ils veulent », affirme Robert Drummond, professeur émérite de science politique à l’Université York.


« Doug Ford a bousillé ce qui aurait dû être une élection facile pour les conservateurs, renchérit le politologue Barry Kay, qui enseigne à l’Université Wilfrid-Laurier. Il est difficile d’expliquer sa glissade autrement que par le fait que les gens se demandent s’il peut diriger la province. »


L’analyse effectuée par M. Kay en date du 30 mai — en tenant compte des sondages et de la concentration du vote des partis dans certaines circonscriptions — accorde 63 sièges aux conservateurs, 54 aux néodémocrates et seulement 7 aux libéraux. Un gouvernement majoritaire est donc à la portée de Doug Ford, mais ses adversaires feront tout en leur pouvoir pour éviter que les électeurs lui confient les clés de Queen’s Park.


Les Ontariens « veulent autre chose »


La campagne électorale qui s’achève a donné lieu à des échanges musclés entre trois chefs aux approches différentes. La première ministre sortante, Kathleen Wynne, 65 ans, dirige l’Ontario depuis 2013. En succédant au chef libéral Dalton McGuinty, emporté par les controverses impliquant son gouvernement, elle est devenue la première femme à diriger la province. Cinq ans plus tard, son étoile a pâli et sa cote de popularité est la plus basse de tous les premiers ministres du Canada.


« Même si elle a fait plusieurs propositions bien reçues dans le dernier budget, elles sont perçues par plusieurs comme des gestes désespérés pour sauver son élection, observe M. Drummond. Je pense que la performance de Mme Wynne n’a pas été particulièrement mauvaise. L’économie de la province va bien, les chiffres de l’emploi sont à la hausse, mais les gens se disent que les libéraux sont là depuis longtemps et ils veulent voir autre chose. »


« Au Québec, on sait que Philippe Couillard n’est pas Jean Charest, ils n’ont pas le même style, les mêmes politiques. Mme Wynne n’a pas réussi à faire la coupure avec Dalton McGuinty. Dans la tête des gens, c’est du pareil au même », explique Geneviève Tellier, professeure d’études politiques à l’Université d’Ottawa.


Aux antipodes


Face à Mme Wynne se dresse Doug Ford, 53 ans, dont l’approche populiste rappelle à certains égards celle de Donald Trump, estime M. Kay. « Il dit des généralités, il lance des slogans, mais il ne semble pas comprendre les enjeux. »


M. Ford s’engage notamment à réduire les impôts et les tarifs d’électricité des Ontariens et à investir davantage en santé et en infrastructures. Mais au moment d’écrire ces lignes, il n’avait toujours pas dévoilé de cadre financier détaillé. « On n’a aucune idée de la manière dont M. Ford va payer les baisses d’impôts et les dépenses qu’il promet », note Mme Tellier.


La déconfiture des libéraux et la chute des conservateurs ont profité à la chef du NPD, Andrea Horwath. À sa troisième campagne électorale, cette femme de 55 ans, qui est députée ontarienne depuis 2004, occupe le centre gauche de l’échiquier politique en promettant une assurance médicaments et dentaire universelle et une réduction des tarifs d’électricité.


« Elle est très terre à terre, très travaillante selon les gens qui la connaissent bien, fait remarquer M. Drummond. Elle tente d’apparaître comme la plus calme et la plus raisonnable des trois chefs. »


« Je pense que les Ontariens se disent que des baisses d’impôts ne sont pas suffisantes. Ils veulent aussi plus de programmes sociaux », ajoute Mme Tellier, afin d’expliquer la soudaine popularité de cette politicienne d’expérience.


Le Québec pourrait écoper


Si les intentions de vote se concrétisent aux urnes, l’élection de Doug Ford pourrait faire bien des vagues sur la scène politique canadienne.


L’une des promesses phares du chef conservateur consiste à retirer l’Ontario du marché du carbone, dont font partie le Québec et la Californie. S’il décidait de passer de la parole aux actes ou de maintenir le système en place tout en le rendant moins contraignant, des impacts se feraient sentir de ce côté-ci de la frontière, prévient le professeur à HEC Montréal Pierre-Olivier Pineau, spécialiste des questions énergétiques. « Un sentiment d’injustice pourrait se développer au Québec et mener à des pressions pour, nous aussi, mettre la pédale douce sur des objectifs [de réduction des émissions de GES] qui ne sont de toute manière pas en voie d’être atteints étant donné notre nonchalance », dit-il.


[...]


QUELQUES PROMESSES PHARES










Kathleen Wynne

(Parti libéral)


  • Instaurer la gratuité des services de garde à compter de 2020 ;

  • réduire la facture d’électricité de 25 % ;

  • rendre les médicaments et les soins dentaires plus abordables.












Doug Ford

(Parti conservateur)


  • Réduire les impôts de la classe moyenne ;

  • retirer l’Ontario du marché du carbone et refuser la taxe sur le carbone ;

  • réduire la facture d’électricité de 12 % et renvoyer le patron d’Hydro One.












Andrea Horwath

(NPD)


  • Instaurer une assurance médicaments et dentaire universelle ;

  • réduire la facture d’électricité de 30 % ;

  • augmenter les impôts des plus riches.




> La suite sur Le Devoir.



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