Le cadeau-surprise de l'Algérie au Québec

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008


L'Actualité no. Vol: 33 No: 14 - Stephen Harper a l'occasion d'écrire une belle page d'histoire dans le grand livre de la Francophonie internationale. Il ne reste qu'à lui souhaiter le courage d'un dernier petit effort et (bettawfeq, bonne chance).
La vedette du 12e Sommet de la Francophonie, à Québec, du 17 au 19 octobre, pourrait ne pas être le président Nicolas Sarkozy ni sa femme, Carla Bruni. L'espoir secret de Stephen Harper est que, après 22 ans d'absence, l'Algérie devienne officiellement membre de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Avec ses 33,8 millions d'habitants, dont 22 millions de locuteurs du français, l'Algérie est le deuxième pays francophone du monde. Et elle est deux fois plus francophone que le Canada, qui compte 33,2 millions d'habitants. " Les deux pays ensemble constituent un contrepoids politique idéal à la France et à ses 64 millions d'habitants ", rappelle l'ancien secrétaire d'État à la Francophonie Denis Paradis, ami du président algérien.
Il faudra cependant plus que cela pour convaincre le président Abdelaziz Bouteflika de faire le voyage jusque dans la Vieille Capitale. Élu en 1999, et bien que de santé fragile, il a sorti son pays de l'isolement auquel les extrémistes du Front islamiste du salut l'avaient contraint. Rien que dans les derniers mois, il aura été au G8, à Hokkaido, au Sommet de l'Union pour la Méditerranée, à Paris, et à l'ouverture des Jeux olympiques, à Pékin. Il a promis à la gouverneure générale, Michaëlle Jean, d'aller à Québec, mais " pour fêter le 400e de la ville ".
Stephen Harper a fait porter une lettre à Alger par son représentant personnel, Jacques Bilodeau, et Jean Charest a fait parvenir la sienne par sa ministre Monique Gagnon-Tremblay. Mais en ce domaine, il faut plus que cela. Il faut téléphoner, cajoler. C'est ce qu'a fait l'ex-président Jacques Chirac, qui a réussi à amener Abdelaziz Bouteflika aux sommets de Beyrouth, en 2002, et de Ouagadougou, en 2004. Mais cela n'a pas convaincu l'Algérien que ces réunions valaient le déplacement : il ne s'est pas rendu à Bucarest en 2006.
Contrairement au Commonwealth, qui jouit de l'autorité morale de la reine du Royaume-Uni, l'OIF, fondée en 1970, n'est qu'une association, dominée par la France, de pays " ayant en commun l'usage de la langue française " et dans certains cas, fort peu ! Parti d'une idée du président du Sénégal Léopold Senghor en 1955, alors que ce pays était encore une colonie, le Sommet de la Francophonie aura mis 30 ans à se concrétiser. Lancé avec faste au château de Versailles en 1986, il s'est tenu à Québec dès sa deuxième année d'existence, en 1987.
Le président Bouteflika a raison de dire que l'OIF est devenue un " machin onusien pour les pays francophones ", qui n'a aucune influence en dehors du cercle restreint des ex-colonies françaises. Et ce n'est pas en cherchant dans les documents du bureau du premier ministre, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ou de celui du Patrimoine et de la Francophonie qu'il verra l'intérêt pour l'Algérie de devenir enfin membre de l'OIF.
La meilleure façon de convaincre le président de venir à Québec en octobre, c'est de lui rappeler que l'Algérie est le premier partenaire commercial du Canada pour l'ensemble du Maghreb et du Moyen-Orient. Et c'est grâce au Québec et à ses entreprises que ces relations commerciales tiennent le coup depuis 30 ans : SNC-Lavalin a fait le sanctuaire du Martyr, à Alger ; Dessau-Soprin fera la Grande Mosquée d'Alger et dessinera sans doute les plans de l'autoroute est-ouest allant de la frontière marocaine à la frontière tunisienne ; CAE a vendu des simulateurs de vol à Air Algérie, qui a établi une liaison directe avec Montréal ; et Alcan construira une usine d'aluminium de sept milliards de dollars à Cap Djinet, près d'Alger. Tout cela sans compter les caisses populaires Desjardins et les compagnies d'assurances, qui sont là-bas parce qu'elles parlent français (sans être françaises !), alors que les banques et les sociétés d'assurances canadiennes ne parlent pas le français et ont peur de l'Algérie.
Les Québécois devraient apprendre à dire (ahlan wa sahlan, bienvenue) d'ici le 17 octobre 2008. Sait-on jamais ?
ET ENCORE...
De Gaulle tenait à ce que le Québec soit membre de l'OIF comme gouvernement participant, mais Pierre E. Trudeau s'y opposait. C'est Brian Mulroney, élu en 1984, qui, avec l'aide de René Lévesque et de Lucien Bouchard, allait enfin contenter tout le monde. Dernière mesquinerie des mandarins fédéraux : le Nouveau-Brunswick en serait aussi, même si le premier ministre de l'époque, Richard Hatfield, était un anglophone unilingue!


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