Écoles passerelles

Le bâillon ne fait pas taire l'opposition

Écoles passerelles - Loi 115





À Québec, les débats qui doivent mener à l'adoption sous le bâillon du projet de loi sur les écoles passerelles s'annoncent houleux, si l'on se fie au ton qui a prévalu lors de la période de questions qui a eu lieu lundi matin.
L'opposition péquiste accuse le gouvernement Charest d'abandonner la défense de la langue française en permettant aux citoyens qui en ont les moyens « d'acheter un droit » de fréquenter l'école anglaise subventionnée.
« Ce que nous attendons de notre premier ministre, c'est qu'il défende ce petit peuple en Amérique », a plaidé la chef péquiste Pauline Marois. Visiblement offusquée d'une remarque portant sur cette utilisation du mot « petit », Mme Marois a crié : « Petit en nombre! Nous sommes 2 % en Amérique du Nord! »
Le premier ministre a néanmoins accusé la chef de l'opposition de décrire son peuple comme étant « petit ». « Elle avoue pourquoi elle prend les positions qu'elle prend aujourd'hui. Un petit peuple ne brime pas les droits fondamentaux de ses citoyens », a-t-il fait valoir. Il soutient que le Parti québécois ne cesse de se radicaliser.
Le porte-parole du Parti québécois en matière de langue, Pierre Curzi, n'avait pas mâché ses mots non plus lorsqu'il a pris la parole au début de la journée pour affirmer que le « 18 octobre restera gravé dans nos mémoires comme une journée de deuil ».
« La liberté fondamentale du peuple et de ses représentants élus de s'opposer à un projet de loi qu'ils jugent inéquitable, arbitraire et injustifié vient d'être tuée par l'imposition du bâillon. Sur la scène parlementaire, c'est l'équivalent de la loi sur les mesures de guerre », a-t-il lancé.
La majorité que détiennent les libéraux au Parlement garantit l'adoption de ce qui est devenu lundi le projet de loi 115. La nouvelle proposition, présentée par le leader du gouvernement en Chambre, Jean-Marc Fournier, reprend essentiellement ce qui était contenu dans le projet de loi 103.
La suspension des règles de procédure normales décidée par le gouvernement devrait normalement limiter le débat sur ce projet de loi à 12 heures. En tenant compte de la période de questions, du dépôt de la motion de recevabilité et des pauses, il est possible que le projet de loi ne soit adopté que mardi matin.

De l'à-plat-ventrisme inacceptable, dit le PQ
Lors d'un point de presse organisé après la période de questions, Mme Marois a promis qu'un gouvernement péquiste fera marche arrière dans ce dossier. Elle soutient que le gouvernement fait preuve d'un « à-plat-ventrisme inacceptable » avec son projet de loi.
« Le message qu'il envoie, c'est que vous pouvez vous acheter un droit, à partir du moment où vous en avez les moyens », affirme Pauline Marois. « On crée tout compte fait deux classes de citoyens ».
La chef péquiste rappelle que sur les 43 mémoires déposés devant la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi 103, 36 se sont prononcés contre l'approche du gouvernement. Le Conseil supérieur de la langue française était du nombre des opposants.
Cette dernière proposition, dit-elle, « lui donnait tous les arguments qu'il fallait pour prendre une décision qui était la seule logique à prendre : appliquer la loi 101 aux écoles anglaises non subventionnées ». Sa réponse actuelle, ajoute-t-elle, est « incohérente et incompréhensible ».
Manifestations à Québec et à Montréal

Des manifestations contre le projet de loi 115 seront tenues lundi soir à Montréal et à Québec. Les organisateurs promettent les plus importantes manifestations pour le français depuis 20 ans.

Mme Marois ne cache pas être pessimiste quant à la possibilité que le premier ministre change son fusil d'épaule en raison des manifestations. Dans tous les dossiers litigieux qu'il a été appelé à trancher, soutient Mme Marois, le premier ministre n'a jamais écouté la voix du peuple.
Réponse à un jugement de la Cour suprême
Le projet de loi 115 constitue la réponse du gouvernement Charest à un jugement de la Cour suprême du Canada, qui a invalidé l'an dernier le projet de loi 104, destiné à empêcher tout recours à des écoles passerelles.
Il stipule que les élèves francophones et allophones pourront obtenir le droit d'accéder au réseau public anglophone ou à une école anglophone privée subventionnée, après avoir notamment passé trois ans dans une école anglophone privée non subventionnée.
D'autres critères pour déterminer leur admission seront aussi pris en considération, entre autres en ce qui a trait au parcours de la famille. Le gouvernement estime qu'il sera ainsi possible de s'assurer qu'il n'y aura pas d'admission automatique au réseau anglophone simplement après les trois années.
Le droit que ces étudiants acquerront moyennant les milliers de dollars en frais de scolarité que leurs parents devront acquitter s'appliquera aussi à leurs frères et soeurs, ainsi qu'à leurs descendants.
La Cour suprême avait souligné que l'objectif politique poursuivi par le gouvernement Landry était valide, mais que la loi 104, qui avait été adoptée de façon unanime par l'Assemblée nationale, contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés en préconisant une solution sans nuance pour y parvenir.
Québec, disait le plus haut tribunal du pays, ne peut pas traiter de la même façon une personne ayant fréquenté une école privée non subventionnée pendant une courte période de temps et une autre qui l'a fait pendant plusieurs années.
La Cour suprême a donné au Québec jusqu'au 22 octobre 2010 pour modifier sa législation, ce qui explique la décision du gouvernement d'imposer le bâillon pour faire adopter le projet de loi 115. Au-delà de cette date, la loi 104 deviendrait de facto invalide, créant du coup un vide juridique.
Le gouvernement du Québec estime qu'environ 4000 élèves ont profité des écoles passerelles avant que la loi 104 ne soit adoptée. Le phénomène était alors en croissance: 1400 élèves avaient réussi à accéder au réseau public anglophone pour la seule année 2002.


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