La "méthode" Harper au Nord

S'il voulait prouver que son déplacement n'était que façade, M. Harper n'aurait pas agi autrement.

Souveraineté dans l'Arctique


Stephen Harper a débuté hier sa seconde virée dans le Grand Nord canadien en peaufinant encore plus sa traditionnelle "méthode" de travail on ne peut plus contre-productive.
Pour sensibiliser les citoyens à l'importance de la zone arctique et convaincre les contribuables qu'il y a effectivement des coûts élevés pour s'y maintenir, le premier ministre devait se présenter à la fois en pédagogue et en visionnaire.
Or, M. Harper ne possède au naturel ni l'une ni l'autre de ces qualités, à moins qu'il cache fort bien son jeu.
L'équipe médiatique autorisée à couvrir sa tournée se limite à cinq personnes, et son bureau a tenté jusqu'à la dernière minute de remplacer le correspondant francophone par un caméraman supplémentaire.
S'il voulait prouver que son déplacement n'était que façade et propagande partisane, M. Harper n'aurait pas agi autrement. Il ne voulait pas expliquer, il voulait montrer et se montrer.
Sur le fond des choses, le programme électoral conservateur promettait d'améliorer la capacité des Forces armées à protéger l'Arctique. Le jour du discours du Trône venu, plus un mot !
Cette idéologie militariste n'a rien pour convaincre les "sudistes" des bonnes intentions du gouvernement, et ce n'est pas Ottawa, dans le contexte actuel, qui insiste sur l'urgence d'agir que créent les changements climatiques.
Le "nouveau" gouvernement a même aboli le poste d'ambassadeur aux affaires circumpolaires, dans un de ses premiers gestes alliant le dogmatisme à l'incompétence.
Quand huit pays aux intérêts divergents ont des droits sur ces territoires, dégrader une telle fonction envoie un message contraire aux objectifs nationaux.
L'étranger a compris que le dossier n'était pas prioritaire et qu'il pouvait agir à sa guise, ce qui permet à L'Express de se moquer gentiment dans son dernier numéro d'un pays, le Canada, qui "prend la mesure de ses faiblesses".
Construire des brise-glaces armés et tenir un exercice militaire de 10 jours illustrent une politique de réactions à la pièce. Le gouvernement réagit à une nouvelle donne environnementale et économique comme si la guerre froide durait toujours.
Mais rien ne filtre, par contre, sur une politique de contrôle et d'utilisation des richesses naturelles énormes de l'Arctique, accessibles à court terme par suite de la fonte accélérée des glaces.
Le mythique passage du Nord-Ouest, en outre, deviendra réalité dans quelques courtes décennies, au rythme actuel. Eaux internationales ou nationales, l'enjeu est majeur.
Si le premier ministre gère le dossier de l'Arctique selon l'humeur du jour, l'opposition libérale est bien malvenue de crier au maquillage devant cette mission, comme elle l'a fait plus tôt cette semaine.
À partir du grand principe du droit international voulant que les absents ont toujours tort, l'ancien gouvernement a fait partie du problème, et non de la solution.
Selon le géographe Frédéric Lasserre, expert en affaires nordiques, le nombre de patrouilles aériennes dites de souveraineté a chuté de 26 à 4 par année, sous leur gouverne.
Cent cinquante militaires, un seul poste pour la Garde côtière, des milices de Rangers Inuits, et une base militaire vide : voilà pour la présence officielle.
Dans les faits, la situation correspond au degré zéro de surveillance, et les Russes comme les Américains ont beau jeu de se moquer des ambitions canadiennes et de la souveraineté toute symbolique du pays sur ces territoires.
Seule une politique cohérente d'occupation des lieux, de développement économique et de protection de l'environnement permettra à M. Harper de se mériter l'appui de la population pour les investissements essentiels au contrôle de l'Arctique.
S'il voulait prouver que son déplacement n'était que façade, M. Harper n'aurait pas agi autrement.


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