La chute de l’empire de Rupert Murdoch

Actualité internationale - L'affaire Murdoch


Rupert Murdoch, grand marionnettiste. On prête au magnat de la presse, représenté ici entre les effigies du premier ministre David Cameron et du ministre de la Culture Jeremy Hunt, un rôle de faiseur de roi. Londres, 6 juillet 2011


Stéphane Bussard - Retour-récit sur l’ascension et la chute d’un géant des médias contraint de fermer dans l’urgence un de ses titres
Fleet Street, années 1980. Sous le ciel fuligineux de Londres, de vieilles rotatives tournent à plein régime. Les rédactions des principaux titres de la presse britannique sont concentrées dans un mouchoir de poche. Dans les pubs du quartier, les journalistes refont le monde. Jusqu’à un certain 24 janvier 1986. En vingt-quatre heures, Rupert Murdoch, le magnat de la presse, coupe court aux négociations que son groupe News International mène depuis quinze mois avec les syndicats. Il licencie sur-le-champ 5500 employés et transfère ses quatre journaux, News of the World, the Sun, The Times et The Sunday Times, à Wapping, de l’autre côté de la Tamise. A côté de docks à l’abandon suintant les réminiscences de l’Empire britannique. Les autres quotidiens, dont The Guardian et The Daily Telegraph emboîtent le pas. Ils s’installent ailleurs en ville.
Après avoir acheté son premier titre au Royaume-Uni, News of the World (NotW) en 1969 des mains de l’excentrique baron William Carr qui descendait deux bouteilles de scotch par jour, puis The Sun un an plus tard, Rupert Murdoch frappe un grand coup. Comme Churchill engagea la Bataille d’Angleterre, il livre la bataille de Wapping. On est encore loin du «Watergate» britannique, le qualificatif qu’utilise le journaliste Carl Bernstein pour décrire l’actuel scandale des écoutes téléphoniques qui secoue le Royaume-Uni depuis une dizaine de jours.
L’abandon de Fleet Street, il y a 35 ans, apparaît comme une trahison. C’est pourtant le début d’une révolution. Ancien rédacteur en chef du Sunday Times, Andrew Neil l’affirme: le déménagement à Wapping a «sauvé la presse britannique». Il a permis de se débarrasser de «ce qu’il y avait de pire dans l’industrie britannique»: une technologie archaïque, des syndicats arc-boutés sur la défense des acquis, des grèves sans fin. Sans cela, il n’y aurait jamais eu d’éditions dominicales augmentées de plusieurs cahiers. Rupert Murdoch a donné un formidable coup d’accélérateur à l’évolution de la presse. La méthode fut brutale, mais elle cadrait avec l’esprit du thatchérisme naissant. Dans les années 1980, Margaret Thatcher mène une lutte à mort contre les syndicats de mineurs menés par Arthur Scargill. Elle la gagne. Pour la première fois, les syndicats sont exclus de la forteresse Murdoch. A Wapping, dans un accent cockney plus grave que d’accoutumée, les imprimeurs invectivent les bobbies. Le sang coule.
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Les liens
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