La chute

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Accurso donnait au minimum 75 000 $ au PLQ par année

Ils ont tous plaidé coupables autour de lui, le roi est nu, Accurso a pris le chemin des cellules. Du moins, pour quelques heures. Mais tout est loin d’être terminé.


L’entrepreneur Tony Accurso ira jusqu’au bout de ses ressources pour contester le verdict de culpabilité qu’il vient de recevoir; appels, remise en liberté provisoire. Mais le tapis lui glisse sous les pieds. Reste à voir si l’ancien baron de la construction et du système de collusion à Laval acceptera de tomber seul.


On a largement élaboré au cours des dernières heures sur le fait que Tony Accurso continuait de nier les faits et que cela constituait un facteur aggravant dans son cas. Tous les autres accusés autour de lui ont plaidé coupables. Tous. Mais Accurso s’entête. Au cours des récents témoignages qu’il a faits devant la justice, il a nié « être au courant qu’un système de collusion existait » ou même « avoir fait de la collusion ».


Personne ne le croit plus.



Au cœur de la corruption


Nous sommes ici au cœur de ce système de collusion, de corruption, de financement politique illicite à coup de prête-noms, d’enveloppes brunes pleines de cash qui servaient à regarnir les coffres des partis politiques, du Parti libéral du Québec, surtout.


En novembre dernier, dans le cadre de son procès pour fraude et corruption, Tony Accurso avait levé un petit coin du voile de ce système en admettant « qu’il donnait 75 000 $ par année en financement occulte pour le Parti libéral du Québec (PLQ) sous le règne de Jean Charest, et que cette somme était remise à l’ex-grand argentier libéral Marc Bibeau».


Jusqu’à présent, et c’est là l’élément le plus important de toute l’affaire, les différents procès et les enquêtes traitant de corruption et de collusion n’ont pas permis de crever l’abcès, d’atteindre le cœur du problème, soit ceux qui, manifestement, télescopaient ce système d’en haut.


Plusieurs ont plaidé coupables afin de s’attirer la clémence des tribunaux – et ce faisant en s’assurant qu’il n’y ait pas de divulgation de preuve. Sinon, des mesures dilatoires interminables ont sans cesse repoussé l’évidence. C’est le cas de Marc Bibeau qui, on le sait maintenant, fait tout pour retarder quelque procédure judiciaire qui puisse se rendre jusqu’à lui.


Sans compter que dans d’autres cas, pensons ici à celui de l’ex-propriétaire de la firme BCIA Luigi Coretti, quand les procédures judiciaires mènent au cœur de ce système pourri, mystérieusement, les procédures finissent par avorter.


C’est que quand Coretti a été accusé pour fraude, fausse déclaration et fabrication de faux, ce dernier, loin de mettre un couvercle sur la marmite et de plaider coupable,  avait plutôt l’intention de se défendre en impliquant, notamment, parmi des plus grosses pointures du gouvernement libéral : Jean Charest, Jacques Dupuis, Pietro Perrino et Marc Bibeau. Si le procès s’était tenu, tous auraient été sommés de témoigner. On connaît la suite, le procès a avorté.


Ça, c’était en février 2017. Quand le tout a été dévoilé et que pour une énième fois l’Assemblée nationale s’est agitée au rythme des révélations troublantes visant l’implication de libéraux au sein de la corruption et de la collusion, les partis de l’opposition se sont indignés que la Couronne accepte si facilement que le procès Coretti ne se tienne pas. Arrêt Jordan demandé par la défense, la couronne qui  s’empresse d’accepter.


Fin de l’histoire. Encore une fois, Charest, Bibeau et tous les autres s’en tirent à bon compte et éviteront d’avoir à témoigner sous serment. Chaque fois pareil.



PHOTO D'ARCHIVES


Marguerite Blais


François Legault mise sur une ancienne ministre libérale à 100 000$


Le député Simon Jolin-Barrette, porte-parole de la CAQ en matière de justice avait réagi de la façon suivante :


« Est-ce que le gouvernement peut admettre que ça fait son affaire que cette preuve-là ne soit pas dévoilée à la cour, qu'elle ne soit pas rendue publique?»


«On veut entendre M. Perrino en commission parlementaire sur la question des liens entre M. Perrino, BCIA et le Parti libéral. »


Je me demande si la CAQ sera aussi pressée de faire la lumière sur ces pratiques de financement douteuses, illicites, maintenant que ce parti compte dans ses rangs, l’une des ministres à 100 000$ de l’ère Charest (et tant d’autres libéraux). Marguerite Blais a balayé du revers de la main les demandes d’explications quant à son rôle dans le financement politique :


« L'objectif de 100 000 $, ça veut pas dire que t'étais obligé de ramasser 100 000 $ et ça veut pas dire que tout le monde réalisait cet objectif-là », a ajouté l'ex-ministre. Mme Blais a ensuite refusé d'expliquer davantage sa pensée. «Je n'ai rien à clarifier. Je n'ai pas l'intention de commenter davantage.»


Voilà ce que nous rappelle la condamnation de Tony Accurso. Que le réel ménage reste à faire, que ceux qui ont bénéficié de ce système pourri sont encore dans notre paysage politique et que la prochaine élection se tiendra sans qu’aucun d’entre eux n’ait eu à faire face à la justice.


Rien n’empêche Bibeau de signer ses baux et Jean Charest est invité à commenter la politique chez le diffuseur d’État comme si de rien n’était. Voilà le vrai scandale.