Formation de la main-d’œuvre - Québec monte au front

«Nous demandons l’exclusion du Québec de ce nouveau programme fédéral et nous refusons ce recul de 15 ans»

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Le fédéralisme : « Avancez en arrière ! »

Québec veut être exclu du nouveau programme fédéral sur la formation de la main-d’oeuvre et entend « poser des gestes » en ce sens, sans toutefois être capable de préciser les actions qui seront entreprises par un gouvernement qui n’a pratiquement plus de rapport de force.
« Nous demandons l’exclusion du Québec de ce nouveau programme fédéral et nous refusons ce recul de 15 ans dans les travaux qui ont été faits pour être efficaces et performants en matière de formation et en matière d’adéquation entre la formation et l’emploi au Québec », a dénoncé Agnès Maltais en point de presse vendredi matin.
Elle réagissait à la décision d’Ottawa de modifier les ententes avec le marché du travail (EMT) pour octroyer des fonds directement aux employeurs plutôt qu’aux provinces.
La ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale affirme qu’elle était au fait d’une « rumeur » qui laissait entendre que « le fédéral se cherchait de la visibilité » et qu’il prévoyait revoir l’entente sur le marché du travail qui avait été négociée avec les provinces en 1997.
« Mais je ne croyais pas que ce serait au prix d’un recul de 15 ans dans tous les travaux qui ont été faits pour l’employabilité au Québec et que ce serait une attaque directe au dynamisme économique du Québec basé sur la petite et moyenne entreprise », s’est indignée la ministre.
«Consensus québécois»
En vertu de cette entente sur le marché du travail, Québec touche 116 millions par année. Selon Agnès Maltais, 84 % des sommes, soit 97 des 116 millions obtenus pour l’année 2011-2012, ont servi à financer directement des mesures de formation et de préparation à l’emploi, et ce, principalement dans des entreprises de moins de 50 employés. « La stratégie fédérale qu’ils nous proposent exclut les PME et exclut les personnes les plus éloignées du marché du travail. Ça va à l’encontre du consensus québécois. »
Québec est, selon la ministre, d’une « efficacité incroyable » sur le plan de la formation et elle ne compte pas changer de modèle pour faire plaisir aux conservateurs.
« C’est notre champ de compétence. Il y avait 116 millions de dollars qui étaient livrés au Québec, là, on est en train de défaire tout ce qui avait été fait. […] On va remonter une bureaucratie, on va ajouter des dédoublements, des chevauchements. Et ils veulent négocier ? Notre point de départ, c’est : on veut les sous, c’est ce que tout le Québec demande. »
Son collègue des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Gouvernance souverainiste, Alexandre Cloutier, ne décollerait pas lui non plus. « Les Québécois ne paieront pas en double. Tant et aussi longtemps qu’on va envoyer notre argent, ce n’est pas vrai que les autres provinces vont bénéficier de programmes dont le Québec ne bénéficie pas. Ça fait que s’ils créent un programme, bien, ils vont payer aussi pour le Québec, c’est aussi simple que cela. »
Il répète que le gouvernement Marois en est un « d’action », et qu’il entend « défendre les Québécois par des gestes bien concrets », mais refuse de préciser quels sont ces gestes, au-delà des « motions unanimes » qui seront probablement adoptées à l’Assemblée nationale la semaine prochaine, qui ne sont que symboliques. « Je vous ai dit qu’on allait poser des gestes et nous allons respecter notre engagement », s’est contenté de répondre le ministre.
Du côté de l’opposition officielle, oubliant sans doute que certains députés libéraux ont déjà dénoncé le peu d’écoute du fédéral, Sam Hamad a répété que le gouvernement Marois l’avait bien cherché. « Lorsque vous coupez les ponts, lorsque vous faites le show, lorsque vous chicanez, lorsque vous perdez votre rapport de force, c’est sûr que vous n’avez aucune information sur ce que le gouvernement prépare et ça donne les résultats d’aujourd’hui. »
Plus constructif, Christian Dubé, de la Coalition avenir Québec (CAQ), a pour sa part proposé d’unir les forces politiques au Québec pour faire front commun contre Ottawa. Affirmant que le gouvernement fédéral était à « blâmer » pour son « improvisation » et sa « méconnaissance du Québec », le député caquiste espère que le gouvernement Marois « n’ira pas en profiter pour faire un débat souverainiste ».
L’opposition fédérale
À Ottawa aussi, les partis d’opposition ont dénoncé une fois de plus les nouveaux paramètres imposés par le gouvernement conservateur à ses ententes sur le marché du travail. « Le gouvernement a pris la mauvaise habitude de ne jamais consulter les provinces, a accusé le libéral Francis Scarpaleggia. Le gouvernement n’écoute que l’écho de sa propre voix. Il impose plutôt que de consulter. »
« Il vient imposer sa façon de faire, ce qui est totalement inacceptable », a renchéri le bloquiste André Bellavance.
Mais la secrétaire parlementaire aux ressources humaines s’est bornée à marteler le même discours que ses collègues depuis deux jours. « Pour la première fois, les subventions pour l’emploi du Canada vont retirer les décisions quant à la formation de la main-d’oeuvre des mains des gouvernements et les remettre où il se doit, entre les mains des employeurs et des employés, afin qu’on puisse créer de l’emploi. Le résultat sera que les gens seront formés pour des emplois qui existent réellement », a réitéré Kellie Leitch aux Communes, en avançant que sa ministre Diane Finley avait consulté les provinces. Dans les coulisses, on avait cependant reconnu que certaines provinces ont été approchées, mais pas le Québec.
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L’unanimité?
Agnès Maltais a affirmé qu’en conférence téléphonique avec les partenaires du marché du travail, vendredi matin, « tous étaient unanimes pour décrier ce qui se fait », précisant que « le mot le moins fort était “malaise”, le mot le plus fort était carrément “inadmissible” ». Joints par téléphone en fin de journée, certains des participants à cette rencontre téléphonique n’étaient toutefois pas du même avis.
« Ça n’a pas sorti de ma bouche à moi, à moins qu’on n’ait pas la même définition du mot “décrier”, a soutenu la vice-présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Martine Hébert. Ce que j’ai bien exprimé, c’est qu’à FCEI, on appuie le principe de rapprocher la formation des besoins des entreprises, mais qu’on a des petits bémols à l’égard que ça puisse permettre de préserver ce qui se fait bien dans certaines provinces. Et même au Québec, il y a des choses qui peuvent être perfectibles aussi. »
Yves-Thomas Dorval, le président du Conseil du patronat du Québec, affirme pour sa part que bien que le Québec ait connu de beaux résultats en matière de formation de la main-d’œuvre, il « traîne encore de la patte » en comparaison avec le Canada qui, lui-même, est moins performant que la moyenne des pays de l’OCDE. « On ne peut pas nier le constat que fait le fédéral selon lequel on a besoin de plus de résultats. »


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