Exportation d’armes vers l’Arabie saoudite : le Canada doit agir maintenant

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Gouvernement des juges : non, ce n'est pas aux tribunaux de décider de la politique internationale d'un pays

Aujourd’hui, alors que le Canada s’apprête à officialiser son adhésion au Traité sur le commerce des armes (TCA), une coalition d’organisations de la société civile canadienne (OSC) réitère sa demande au gouvernement du Canada de cesser définitivement l’exportation de véhicules blindés légers (VBL) vers le Royaume d’Arabie saoudite.


Cette demande, formulée à deux reprises dans des lettres ouvertes au premier ministre Justin Trudeau, invite le Canada à honorer l’esprit et l’objectif du TCA, un outil désormais juridiquement contraignant en vertu du droit international. Daniel Turp, professeur de droit à l’Université de Montréal, ajoute sa voix à celles des membres de la coalition pour demander au gouvernement du Canada de cesser ses exportations d’armes vers l’Arabie saoudite. Le professeur envisage d’entamer une démarche judiciaire à titre personnel si les transferts se poursuivaient. L’adhésion du Canada au TCA représente certes une avancée positive, mais ce geste doit aussi être étayé par des mesures décisives.




Crimes de guerre


Comme l’ont déjà rapporté plusieurs sources médiatiques crédibles, du matériel militaire canadien — y compris des véhicules blindés légers — a servi dans la guerre qui ravage actuellement le Yémen et décime sa population. Selon le plus récent rapport sur la question, préparé par le Groupe d’experts éminents sur le Yémen de l’ONU, ce conflit a donné lieu à une multitude de crimes de guerre au cours des cinq dernières années. Les frappes aériennes, les bombardements aveugles, la torture et la violence sexuelle ne sont que quelques-unes des nombreuses violations infligées quotidiennement aux civils yéménites.


À la lumière de ce constat alarmant, le Canada doit agir rapidement pour éviter d’alimenter ce conflit dévastateur et de prolonger la souffrance du peuple yéménite de quelque façon que ce soit. Dans son rapport, le Groupe d’experts a rappelé à l’ordre la communauté internationale, soulignant que les États qui acheminent des armes aux parties aux conflits pourraient être tenus responsables de leur rôle complice dans la violation de droits de la personne.


Menaces à la paix et à la sécurité internationales


Le traité ne fait pas simplement instaurer un nouveau régime légal qui établit des « limites réglementaires strictes » sur le pouvoir discrétionnaire de la ministre des Affaires étrangères, la contraignant à refuser un permis d’exportation d’armes lorsqu’il y a un risque réel que les armes soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations des droits de la personne. Le traité implique l’obligation légale de le faire.


Onze mois pour quoi ?


Il y a onze mois, le gouvernement du Canada annonçait sa décision de revoir les permis d’exportations militaires vers l’Arabie saoudite, un exercice durant lequel l’approbation de nouveaux permis devait être suspendue. Depuis, aucun progrès n’a été rapporté. En tant qu’État partie au TCA et nation se présentant comme respectueuse des droits internationaux de la personne et des obligations découlant de traités internationaux, le Canada doit prendre ses responsabilités et communiquer les résultats de cet examen.


De plus, le Canada doit contribuer aux efforts internationaux pour mettre un terme aux souffrances des Yéménites et suivre l’exemple des nombreux pays qui ont choisi de suspendre leurs exportations d’armes vers l’Arabie saoudite. Pour sa part, le Congrès des États-Unis a voté à maintes reprises pour interdire les exportations d’armes vers ce royaume.


La population canadienne est en droit de connaître la position de l’administration actuelle sur cette question, relevant du respect fondamental de la vie humaine. Quant à lui, le peuple yéménite mérite d’entrevoir un avenir dénué de menaces d’attaques imminentes et de souffrances sans nom.


« Aujourd’hui, date de l’entrée en vigueur pour le Canada du Traité sur le commerce des armes, j’ai fait parvenir une mise en demeure à la ministre des Affaires étrangères du Canada lui demandant d’annuler les permis d’exportation de véhicules blindés légers destinés à l’Arabie saoudite », a affirmé le professeur Daniel Turp de l’Université de Montréal. Si cet avis demeure sans suite, le professeur Turp a l'intention de se tourner à nouveau vers les tribunaux. « En effet, les modifications apportées par le Projet de loi C-47 à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, nécessaires pour adhérer au traité, permettent de fonder un recours sur de nouvelles bases juridiques et de rappeler qu’à compter d'aujourd’hui, le Canada doit annuler toute licence relative aux exportations d’armes. »