Dompter la bête

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Renforcer les liens France-Québec

Les regards se sont inversés. Alors que les Français ont du Québec une image super positive, ce sont les Québécois, surtout les jeunes, qui sont devenus indifférents. La France ne nous fait plus rêver, ne suscite plus notre admiration et est, tout au plus, à nos yeux, un pays comme les autres. Sauf pour nos artistes.



Or c’est précisément sur la thématique des industries culturelles à l’ère du numérique que nous pouvons nous réunir à nouveau de part et d’autre de l’Atlantique. Pourquoi ? Parce que la France et, par prolongement l’Europe tout entière, a une approche exemplaire face à la révolution en cours. Elle ouvre la voie, elle montre le chemin que nous pourrions emprunter ensemble si nous en avions la volonté, collective et politique.



Pour l’instant, le Québec est seul en Amérique du Nord à vouloir résister au déferlement des géants du numérique que sont Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft et Netflix. À preuve, cette décision du ministre des Finances du Québec d’imposer la TVQ à tous ces fournisseurs de services ou, encore, cette entente intervenue récemment entre la SODEC et le Centre national du cinéma et de l’image animée français, sous l’impulsion de deux visionnaires, Monique Simard et Christophe Tardieu. Mais pour le reste, tout est à faire.



Le Québec, pour l’instant, ne peut pas compter sur le Canada. Peut-être en sera-t-il autrement après la révision prochaine des lois sur la télécommunication et la radiodiffusion, mais le refus d’appliquer la TPS aux services en ligne comme Netflix a valeur de symbole. Le Canada donne l’impression d’avoir baissé les bras, momentanément ou pas, tout en créant un environnement inéquitable pour les Illico et autres entreprises nationales.



La France, elle, impose sa taxe de vente à tous les joueurs, étrangers comme nationaux. Elle ajoute une taxe sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès Internet. Elle demandera bientôt à YouTube, à Netflix, et à terme à tous les autres, une contribution pour développer les industries culturelles françaises. Pourquoi le Canada et le Québec ne feraient-ils pas de même ? Parce que nous sommes considérés par les Américains comme l’extension de leur domestic market ?



La tuyauterie et les algorithmes des multinationales américaines déterminent déjà largement ce que nous regardons et écoutons. Demain, elles deviendront encore plus actives dans la création de contenus pour leurs propres plateformes. Les Québécois, les Français, et les francophones du monde entier risquent d’être exclus, tant de la propriété des plateformes que de leurs contenus. Avec des moyens à leur démesure, les géants du numérique nous conduisent tout droit vers une concentration de la production et de la diffusion audiovisuelle et musicale. Que restera-t-il de la diversité culturelle et linguistique, de nos cultures et de nos langues si, dans cinq ans, Spotify, Apple et Netflix contrôlent pratiquement tout ce que voit et entend l’humanité entière, à la notable exception des Chinois.



Ainsi, il faut dompter la bête, réguler la mondialisation culturelle, et commencer par exiger l’exemption culturelle totale dans les accords de libre-échange, puisque la culture n’est pas une marchandise comme les autres. En ajoutant aussi des quotas, notamment sur les pages d’accueil de ces entreprises. Nos contenus doivent être exposés, découvrables, valorisés. Que Mommy soit tout aussi accessible que Star Wars, Pierre Lapointe tout aussi mis en valeur que Taylor Swift, au moins sur nos territoires.



Pourquoi ne développerions-nous pas avec la France et avec toutes les chaînes francophones de télévision une plateforme commune de vidéo sur demande, qui deviendrait notre version hybride de Netflix et de TV5 ? Pour desserrer l’étau qui se referme sur nous.



Assurons-nous, en plus, que les contenus de langue française produits ici puissent être comptabilisés dans les quotas qui permettront bientôt à la France d’imposer 60 % d’oeuvres françaises et européennes à tous les opérateurs, quotas qui incluront les oeuvres suisses, même si la Confédération helvétique est, comme le Québec, hors de l’Union européenne. Et, en retour, ouvrons-nous nous-mêmes aux oeuvres francophones.


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