Dieu partout

Tout en surface, tout en nuances...

Cette répression dite "collective"

Une actualité particulièrement riche ne doit pas faire ignorer ce qui se passe en Allemagne depuis deux jours et qui revêt une signification éclatante. On y commémore partout le 75e anniversaire de la prise du pouvoir par Adolf Hitler et le parti nazi, d'une manière qui fait dire à un ancien ambassadeur d'Israël à Berlin : "Où, dans le monde, a-t-on jamais vu une nation ériger tant de monuments pour immortaliser sa propre honte ? Seuls les Allemands ont cette audace et cette humilité." Il est non moins rare d'entendre un héritier des victimes rendre un hommage si fervent aux héritiers des bourreaux.
Il se trouve de plus que cet ambassadeur commémorait aussi à Erfurt rien de moins que le 63e anniversaire de la libération d'Auschwitz ! Par chance, ce sont pendant ces mêmes journées que les Américains, les Égyptiens et les Européens ont obtenu du Premier ministre israélien Ehoud Olmert qu'il n'y ait pas de "crise humanitaire" dans les territoires de Gaza. Cela veut dire qu'il va permettre la reprise des approvisionnements en essence, en vivres et en médicaments qui avaient totalement cessé après qu'une faction fanatisée du Hamas eut envoyé des roquettes sur un village israélien.
J'ai dit que la décision du Premier ministre israélien avait été prise "par chance". Il n'est pas possible, en effet, pour un Israélien, pour un juif, pour qui que ce soit de commettre un acte qui, même injustement et même indirectement, rappelle un aspect de la plus effroyable entreprise d'extermination de l'histoire. Sans doute, on ne saurait sans indécence comparer un instant ce qui se passe au Proche-Orient avec ce qui s'est passé dans l'Allemagne nazie. Mais les juifs ont des raisons particulières de condamner plus que les autres le recours aux méthodes de la répression collective. Jamais, nulle part, on ne peut justifier à mes yeux cette notion de répression collective. Je l'ai pensé à propos des meilleures causes et en particulier lorsque, pendant la guerre d'Algérie, les combattants procédaient à des attaques contre les civils. J'ai pensé de même lors de la dernière horrible et inutile guerre livrée par Israël au Liban. Or il faut savoir que la décision des Israéliens de laisser les habitants de Gaza se réapprovisionner ne supprime en rien, ou presque, le crime humanitaire commis contre la population de ce territoire au nom de cette notion de répression collective.
Dans le dernier numéro de Courrier international, on peut lire un article paru en Israël dans un journal de Tel-Aviv, Yediot Aharonot. Le titre est "Gaza, l'enfer à côté de chez nous". L'auteur de cet article est un romancier, Igal Sarna, qui n'avait pas jusque-là la réputation d'être particulièrement opposé au régime. Je me suis dit que s'il se trouvait un écrivain israélien, juif et patriote, pour témoigner de cette manière, nous devions donner le maximum d'écho à son témoignage : "Nous avons commencé par tuer 19 personnes en une journée, dont le fils d'une personnalité dirigeante du Hamas. S'ensuit une pluie de roquettes palestiniennes. La routine est simple : l'armée israélienne, peu désireuse d'entrer dans la bande de Gaza par crainte de subir de lourdes pertes, procède à des frappes dures, non chirurgicales. L'idée géniale d'une invasion au sol refait à nouveau surface ; c'est exactement ce qu'on a fait à h fin de la deuxième guerre du Liban de 2006 - avec les 33 morts des dernières heures, inutiles."
Aujourd'hui, à Gaza, le principe de la répression collective peut être repris à tout moment sans états d'âme, bien qu'il soit désormais établi que son application n'est d'aucune efficacité, même à court terme. Nous ne pouvons décidément pas en rester là, et il faut appuyer tous les mouvements qui, en France et en Europe, réclament une internationalisation du conflit et l'envoi immédiat d'un corps expéditionnaire. Solution qui correspond aux voeux, chez nous, d'un Elie Barnavi, ancien ambassadeur d'Israël en France, et de Leila Shahid, ancienne représentante de l'Autorité palestinienne en France. Reconnaissons que c'est, sur la recommandation de Bernard Kouchner, la proposition de Nicolas Sarkozy.

Dieu, l'ordre et l'espérance
J'ai dit que j'étais fasciné par l'affrontement de Hillary Clinton et de Barack Obama. Je le suis au moins autant par le besoin que tous les candidats, aussi bien républicains que démocrates, éprouvent d'affirmer leur appartenance à une religion. Hillary Clinton n'hésite pas à marteler qu'elle assiste aux offices au moins une fois par semaine, mais souvent plus, qu'elle fait ses prières et que, quand elle arrive dans une chambre d'hôtel, son premier soin est d'ouvrir le tiroir de la table de nuit pour y prendre la Bible. Souvent, elle en a un exemplaire dans son sac, qu'elle consulte de temps à autre. C'est étrange. Ce sont les États-Unis. On dit que cela fait rêver Nicolas Sarkozy.
On a déjà souligné maintes fois les énormités contenues dans ses deux discours, à la basilique de Latran, à Rome, le 20 décembre 2007, et à Riyad le 14 janvier 2008. Notre président, négligeant les guerres de religion et les parcours souvent criminels de l'Eglise, a cru devoir préférer le rôle du curé à celui de l'instituteur pour enseigner la morale et former les hommes. Soudain acharné à rappeler les racines chrétiennes de la France - qui sont d'ailleurs réelles -, Nicolas Sarkozy a fait de l'Église une victime de la laïcité.
Quant au choix de Riyad pour affirmer la présence de Dieu au cœur de chaque homme, il ne serait que frivole si l'on oubliait le rôle désastreux de l'Arabie Saoudite dans le financement du terrorisme islamiste, et plus précisément du wahhabisme, qui légitime l'interprétation la plus barbare de l'islam.
Mais il faut voir ce qui peut expliquer de si grossières erreurs. Pour reprendre l'exemple américain, le discours de Nicolas Sarkozy revient à constater que, aucune des formes du rêve de progrès en ce monde n'ayant triomphé de la folie des hommes, le retour et le recours à Dieu ne doivent pas être seulement protégés mais encouragés par une laïcité "_" repensée. C'est seulement ainsi qu'elle deviendrait aussi "positive" que la fameuse discrimination. Dieu serait un facteur d'ordre, d'unité et surtout de communion dans l'espérance. Ceux de nos gauchistes qui, après avoir cherché l'absolu dans la révolution, tentent de le retrouver dans la religion, ne peuvent pas être en désaccord. Et c'est bien ce qui est le plus grave.

La vérité sur la "pensée laïque"

Car Sarkozy provoque là un débat très moderne qui conduit tout logiquement à opposer la démocratie laïque et universelle à la diversité des religions. Que la laïcité ait été conçue et appliquée de façons différentes selon les moments de l'histoire, c'est une évidence. "Entre le combat du petit père Combes contre les congrégationnistes et la loi de 1905, on est passé de l'anticléricalisme très militant à une tendance libérale et pacifique" (Baubérot) . Il reste que le principe de la laïcité demeure d'empêcher toute espèce de domination de la religion sur l'État et toute confusion entre la religion et la politique. C'était la lutte des deux France, celle de l'Ancien Régime et celle de la Révolution. L'Église et la religion avec la monarchie de droit divin, c'était l'Ancien Régime. La Révolution a gagné. L'Église n'est plus dominante. Et elle voit dans la laïcité plus une protection qu'une menace.
Concédons que la laïcité démocratique et universelle à l'ancienne n'a pas encore réussi à trouver la réponse qui l'adapterait au phénomène du multiconfessionnalisme et du multiculturalisme. Voilà ce qu'il y a derrière les propos de Nicolas Sarkozy. Sauf qu'il oublie de faire une distinction essentielle. A l'intérieur d'un même pays, et particulièrement en France, on ne saurait, sans détruire cette "civilisation" qui lui est si chère, opposer la diversité à la démocratie. La diversité ne peut être composée que d'éléments qui acceptent la démocratie. En revanche, il est vrai - et un homme comme Hubert Védrine l'a souligné dans son rapport - qu'on ne saurait prétendre n'avoir de relations qu'avec les États démocratiques ni avoir une conception de l'universel qui définisse et prétende imposer à tous la même forme de démocratie. Reste que nous ne pouvons admettre au sein de notre diversité nationale que des individus, ou à la rigueur des communautés, qui rejoignent les principes fondamentaux de notre Constitution. On ne voit pas qu'il faille abandonner cette conception française de la pensée laïque.
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