Des effets mineurs

En réalité, la loi sur les jeunes contrevenants risque d'avoir très peu d'effets au Québec.

Actions concertées contre les ambitions nationales du Québec


La Couronne ou les juges pourront ne pas retenir les accusations aux condamnations plus sévères.
Ne sous-estimons pas le pouvoir discrétionnaire des juges et celui de la Couronne.
Le gouvernement fédéral va certainement promulguer prochainement une loi très impopulaire au Québec sur les jeunes contrevenants. La nouvelle loi renforcera les peines que peuvent encourir les adolescents qui commettent certains actes criminels. L'idée mise de l'avant pour justifier une plus grande sévérité dans les sanctions est celle de la dissuasion. Selon la sagesse populaire, la sévérité fait réfléchir à deux fois les criminels potentiels avant qu'ils ne passent à l'acte.
De tout temps, les législateurs ont ainsi tenté d'influencer le comportement des criminels par un choix de sanctions supposément dissuasives.
Dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, on a voulu pousser à l'extrême cette idée en imposant la peine de mort pour la plupart des crimes, y compris les plus petits. Voler du bois de chauffage était ainsi passible de la peine de mort. La nouvelle loi, loin de dissuader les criminels, vit la criminalité augmenter. Le législateur avait omis de considérer dans son équation le pouvoir discrétionnaire des juges et celui de la Couronne. Ceux-ci, jugeant la peine de mort injuste pour la plupart des crimes, ont délibérément choisi de ne pas en poursuivre les auteurs. Anticipant cette attitude des juges et de la Couronne, les criminels potentiels n'ont vu dans la peine de mort aucune matière à dissuasion.
Plus récemment, dans les années 90, certains états américains se sont dotés de lois devenues célèbres, les «three strikes laws». En vertu de ces lois, une troisième condamnation, pour des crimes parfois mineurs, impliquait une peine de prison ferme pouvant aller jusqu'à 25 ans en Californie. Là encore, le législateur recherchait la dissuasion. Là encore, il se fourvoyait. Entre condamner l'auteur d'un crime mineur à une sanction qu'ils jugeaient aberrante ou prononcer un non-lieu, bien des juges ont opté pour le second.
Le gouvernement fédéral s'apprête à renforcer les sanctions envers les jeunes contrevenants. Nous sommes bien sûr très loin de la peine de mort ou d'une condamnation à 25 ans de prison. Il n'empêche qu'une sévérité accrue face aux jeunes contrevenants n'est pas considérée comme juste par le Québec. La société québécoise affiche une rare unanimité quant au rejet de cette approche. N'oublions pas l'indépendance qui caractérise le pouvoir judiciaire.
Si la loi sur les jeunes contrevenants devait être adoptée, rien ne pourrait contraindre la Couronne ou les juges à faire ce qu'ils ne considèrent pas opportun de faire. Ils pourront demain comme aujourd'hui s'abstenir de retenir les chefs d'accusation qui impliqueraient aux jeunes contrevenants des condamnations plus sévères. En réalité, la loi sur les jeunes contrevenants risque d'avoir très peu d'effets au Québec.
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Stéphane Pallage
L'auteur est directeur du département des sciences économiques de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et fellow du CIRANO.


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