Aux portes du Vieux Montréal

Créer un stade greffé au Palais des congrès

Enrichir le parc festivalier

Tribune libre

Les autorités n'ont encore rien réglé dans le dossier de l'avenir du Parc olympique et de son stade que voilà que se déploie, très professionnellement, une initiative visant à ramener le baseball des ligues majeures à Montréal.

Loin de moi l'idée de souscrire à l'idée que bourrer le stade d'amateurs de baseball deux jours de suite (sur fond d'hiver perpétuel) pour des matchs amicaux constitue une promesse ferme de succès financier pour un retour des Expos. Mais mettons que c'est le cas que la région de Montréal soit mûre pour renouer avec le baseball professionnel, que fait-on?

Il paraît que le West Island ne veut plus avoir à traverser la ville pour venir dans l'Est et qu'il réclame un stade au centre-ville. Sans compter que les amateurs de baseball en général disent volontiers que le stade olympique à la Taillibert est mal fait pour le baseball, un sport qui appelle une architecture spécifique, où le public se sent plus rapproché des joueurs. Ce qui voudrait dire - eh oui! - une vocation particulière sans baseball pour le stade olympique ainsi qu'un nouveau stade pour le baseball, installé au centre-ville, celui-là.

Dépenses publiques grossières à première vue, à l'heure n'est-ce pas des lentes attentes qui affectent les urgences des hôpitaux et de lentes qui courent les murs et les crânes dans les écoles, mais encore : imaginons un nouveau stade fait pour le baseball mais qui, couvrant l'autoroute Ville-Marie, se grefferait géographiquement et esthétiquement au Palais des congrès de Montréal, offrant ainsi au Palais des congrès quatre ou cinq mois par année de grands espaces d'exposition additionnels susceptibles d'accroître son achalandage pour de super grands congrès. Imaginons qu'éventuellement le baseball professionnel en général en vienne à se mourir en Amérique ou plus spécifiquement à Montréal - ce qui s'est déjà vu, n'est-ce pas ? - le Palais des congrès hériterait ainsi d'un espace additionnel assez formidable pour sa position sur le marché mondial. Et le centre-ville hériterait d'une valeur inestimable.

Imaginons ensuite que nos architectes prennent soin de construire ce stade avec une préoccupation particulière pour la qualité de sonorité qu'il est en mesure de rendre, pour Chopin comme pour Metallica, accueillant aussi bien Marc-André Hamelin que Arcade Fire. Montréal, déjà une grande ville de musique à tous égards, élargirait ainsi son équipement d'accueil festivalier à la fois pour les Montréalais, les Québécois en général et le grand tourisme venant de partout dans le monde. Il n'y a pas de grands musiciens de toutes les écoles qui refuseraient de performer dans pareil décor, vieux-montréalais en même temps qu'ultra-contemporain.

Et parlant de Vieux-Montréal, tous ses petits commerces de qualité devraient normalement tirer un profit exceptionnel de ce stade ultra-contemporain. Un "stade" qu'il conviendrait peut-être mieux de baptiser d' "espace", tellement sa vocation pourrait atteindre de grands horizons, juché qu'il serait au-dessus de l'autoroute Ville-Marie, mais à proximité du "Vieux", de l'Hôtel de ville qui compte un nouveau locataire, du Palais des congrès, du Palais de justice et... de La Presse. Y'a rien de naturellement parfait.
Mais ce stade jouxté au Palais des congrès, servi par deux stations de métro, Place d'armes et Champ-de-Mars (comme le stade actuel, Pie IX et Viau) en viendrait à incarner la voie d'accès officielle à la Place d'armes dans une premier temps, au Vieux-Montréal, dans un deuxième temps, au Vieux-Port dans un troisième.

C'est assez extraordinaire pour une ville d'avoir une voie d'accès à ses trésors intimes par un "stade" - pardon, un "espace" - qui pourrait par exemple s'appeler l'Espace René-Lévesque, lui qui aimait bien Montréal, le baseball, l'Amérique du Nord et qui a présidé à la création du Palais des congrès (érigé à l'époque à quelques dollars près des coûts prévus, Tiens toé!)...

Greffer le stade au Palais des congrès signifierait le déménagement de la célèbre Old Brewery Mission. On entend déjà Héritage Montréal se plaindre, mais faut voir dans la réalité que les quelques immeubles concernés, tout à fait isolés au-dessus d'une autoroute urbaine, n'ont aucune valeur esthétique. Quant aux itinérants usagers, de vieilles personnes surtout, cette Old Brewery Mission constitue un îlot bien isolé de la vraie vie urbaine. Il faut marcher longtemps pour atteindre la ville ou pour revenir à domicile, ce qui est fort pénible dans un climat comme celui qu'on a connu en 2014.
L'Espace René-Lévesque pourrait signifier aussi l'éradication de l'actuel hôtel Holiday Inn, rue Viger, mais on pourrait entrevoir - avec Holiday Inn ou non - l'intégration architecturale d'un nouvel hôtel au Palais des congrès et à l'Espace René-Lévesque.

Pour ce qui est de l'avenir du stade, j'ai déjà évoqué, dans les pages de Vigile, une avenue de solution : une vocation sportive pour ce stade n'a aucune chance de réussite économique (surtout sans ses 80 matchs annuels de baseball). Il faudrait mixer les activités sportives occasionnelles avec toutes sortes de petits plaisirs publics faits de voitures, de camions de tamponnement, de performances sur skateboard, de salons commerciaux, bref avec un tas d'activités faisant dans le marché aux puces de l'entertainment, activités partagées par plusieurs villes nord-américaines et ne permettant certainement pas à Montréal d'aller décrocher une nouvelle tranche de touristes venant de l'étranger.

Le stade et sa tour ont certes très bonne réputation dans le monde mais le contenu qui y serait offert n'attirerait aucun touriste étranger pour autant, une dizaine de stades olympiques plus riches et plus spectaculaires les uns que les autres ayant été construits depuis 1976.
La seule issue vocationnelle qui m'apparaisse pour le Parc olympique constituerait à intégrer le stade à un vaste ensemble voué sur un plan scientifique et ludique aux sciences de la nature.

Montréal récolte déjà du tourisme étranger un volume intéressant en raison de son Jardin botanique, du Biodôme, de l'Insectarium et du nouveu Planétarium, le tout regroupé sous le titre Espace pour la vie. Il s'agirait d'intégrer le Parc olympique à l'Espace pour la vie, le stade devenant un vaste muséum voué aux sciences naturelles. Le nouveau gouvernement du Québec a déjà eu la bonne idée d'investir 45 millions dans des aménagements modernes liés au Jardin botanique, au Biodôme et à l'Insectarium; il suffirait de rester dans cet esprit et d'intégrer ce qu'on appelle la RIO à l'Espace pour la vie.
Les seules activités sportives qui subsisteraient dans le Parc seraient celles liées aux installations de sports aquatiques, mais pour le reste, le Parc et son stade se trouveraient intégrés dans une grande Cité des sciences de la nature de Montréal, un grand parc vert réservé aux piétons et aux cyclistes en plein centre-ville, la rue Sherbrooke devant passer en sous-sol entre Pie IX et Viau.
Pareille Cité des sciences de la nature pourrait attirer de nouvelles tranches de tourisme international, ce que ne ferait pas un stade rabougri servant de marché aux puces de l'entertainment, comme le sont plusieurs stades en Amérique.

Un stade devenu muséum n'aurait plus besoin d'un toit rétractable dispendieux. Les étages multiples construits à même l'espace de jeu du stade permettrait d'offrir, au dernier étage, une présentation horticole de première grandeur, sous un toit léger translucide comptant sur plusieurs points d'appui offerts par la structure étagée. Une présentation horticole qui pourrait être changée à tous les deux ou trois ans, de sorte que les visiteurs auraient le goût de revenir dans ce muséum. Tout le muséum de sciences naturelles devrait d'ailleurs offrir des présentations évolutives, tenant compte de l'amélioration des connaissances, dans chaque secteur.
Le tout sous une rigueur scientifique qui est celle d'Espace pour la vie et sous une animation à laquelle pourraient contribuer les grands créateurs scéniques d'ici déjà connectés aux publics internationaux : les gens des grands cirques, de Cavalia, de GSM Project, de Moment Factory, un petit monde de grandes choses, coordonné par un Robert Lepage, par exemple.

Montréal dispose, avec le Parc olympique, de l'Espace pour la vie et du Parc Maisonneuve adjacent, d'une occasion historique de se doter d'une superstructure de sciences naturelles capable de faire école dans le monde, une grande Cité des sciences de la nature d'envergure internationale installée en plein coeur urbain.
Curieusement, le retour du baseball à Montréal pourrait finalement convaincre les autorités d'intégrer le Parc olympique et son stade à l'Espace pour la vie.


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3 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    19 avril 2014

    Où est le civisme urbain? Verrue au lieu d'habitation du vrai monde. À plat ventrisme devant le racisme de l'ouest. Coderre et Couillard veulent un espace vert sur l'autoroute Ville-Marie et un toit sur le stade architectural déjà bâti. Et l'olympien mondialiste Obut rampera-t-il aussi avec les carriéristes affairistes de l'amusement des congressistes?

  • Archives de Vigile Répondre

    18 avril 2014

    Ou est l'argent ?

  • Archives de Vigile Répondre

    18 avril 2014

    Réal Pelletier,
    Vous êtes une illustration du slogan de mai 68: l'imagination au pouvoir.
    Vous êtes le Nicolas Fouquet du 21è siècle. Vos projets collectifs, en développant la créativité, peuvent inspirer chaque lecteur dans sa vie privée peut-être marquée par la routine... A-t-on le droit de rêver?
    Robert Barberis-Gervais, 18 avril 2014; Joyeuses Pâques!