Catalogne : que peut-il se passer maintenant ?

La menace d'une suspension de l'autonomie de la Catalogne a été brandie par Madrid, après la déclaration d'indépendance symbolique.

14849a8fcd955f43e253d90866727d4d

Madrid a toutes les cartes entre les mains

La Catalogne sera un État indépendant sous la forme d'une République", mais pas tout de suite. Mardi 10 octobre, Carles Puigdemont, président séparatiste de la région, a déclaré puis signé une "déclaration d'indépendance" tout en suspendant immédiatement ses effets.



Mercredi 11 octobre, un Conseil des ministres extraordinaire a été convoqué par le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. À l'issue de celui-ci, il a formellement demandé à Carles Puigdemont de confirmer s'il a effectivement déclaré l'indépendance de la région.


Cette précision semble nécessaire, car la déclaration d'indépendance signée par l'ensemble des élus indépendantistes du Parlement régional et le président catalan est pour l'instant un acte purement symbolique. Le porte-parole du gouvernement régional, Jordi Turull, a souligné qu'une telle déclaration unilatérale devait être "faite par le parlement de Catalogne" pour qu'elle soit officielle. La réponse de Carles Puigdemont à la demande formelle de Mariano Rajoy devrait cependant être un tournant dans cette crise.


Un dialogue est-il possible ?


Avec sa manœuvre, Carles Puigdemont s'est en fait octroyé un temps mort pour des négociations. Cette pause doit permettre "d'entamer un dialogue, sans lequel il est impossible de parvenir à une solution négociée".



"On peut toujours dialoguer dans le respect de la loi", réplique l'ambassadeur d'Espagne en France. Seulement, le gouvernement central ne veut absolument pas entendre parler d'une éventuelle indépendance, au nom de l'unité de la nation. "Le problème, c'est qu'on nous demande de dialoguer sur une chose qui ne se discute pas. L'offre de Puigdemont est tellement cynique", s'agace Fernando Carderera au micro de RTL.


Et si la Catalogne allait au bout ?


Si l'indépendance venait finalement à être solennellement prononcée, les plans des indépendantistes prévoient que la "déconnexion" commencerait au moment de l'entrée en vigueur de la "loi de transition juridique". Celle-ci détermine que la Catalogne est une république indépendante et donne six mois à son exécutif pour convoquer des élections en vue de former une Assemblée constituante.



En vertu de ce texte, Carles Puigdemont deviendrait le président de la République. L'administration du gouvernement local remplacerait celle de l'État central sur le territoire de la Catalogne, défini par son espace terrestre, maritime et aérien. Le gouvernement catalan devrait aussi contrôler les frontières et les douanes. Mais, comme tout ce qui découle du référendum, la loi de transition a été "suspendue" par la Cour constitutionnelle. Du point de vue de Madrid, elle est donc sans effet.



D'un point de vue international, aucun pays n'a pour le moment manifesté son intention de soutenir ouvertement la Catalogne. Les États membres de l'UE "ne reconnaîtront pas la Catalogne comme un État dès lors qu'elle serait née en violant le droit et notamment la Constitution de l'Espagne", prévient Jean-Claude Piris, juriste spécialiste du droit européen. La Catalogne serait alors automatiquement exclue de l'Union européenne.


La mise sous tutelle, menace de Madrid


Si la situation de crise perdure, ou si le Parlement catalan proclame officiellement l'indépendance, le gouvernement envisage de retirer temporairement à la Catalogne son autonomie et de prendre le contrôle total de la région. Cela est rendu possible par l'article 155 de la Constitution.



Cet article jamais utilisé permet à l'exécutif espagnol de prendre "les mesures nécessaires" pour contraindre la Catalogne à respecter les "obligations" imposées par la Constitution ou d'autres lois. L'aboutissement de ce processus prendrait au moins une semaine. La première étape a d'ores et déjà été réalisée : l'exécutif a préalablement sommé la Catalogne de rentrer dans le rang, en demandant à Puigdemont s'il a réellement déclaré l'indépendance.



Les "mesures nécessaires" évoquées par l'article 155 ne sont pas détaillées. Plusieurs spécialistes ont néanmoins leur avis sur la question. Le texte permettrait de "prendre le contrôle des organes politiques et administratifs de la Communauté autonome rebelle", explique Teresa Freixes, de l'université autonome de Barcelone. Des fonctionnaires et des élus peuvent être suspendus et remplacés. Carles Puigdemont pourrait donc être évincé au profit du préfet de Catalogne, principal représentant de l'État dans la région. Des élections régionales pourraient éventuellement être organisées. 



Hormis l'article 155, le gouvernement a plusieurs instruments à sa disposition. Il a déjà pris le contrôle des finances de la région en septembre. Il peut aussi instaurer un état d'urgence allégé lui permettant d'agir par décrets et de contrôler directement la police catalane. Une arrestation de Carles Puigdemont et son entourage dans le cadre d'une enquête judiciaire déjà ouverte pour sédition n'est pas exclue.