Boisclair inquiète ses troupes

Boisclair - chef du PQ


Québec - " M. Charest, j'arrive! " Dans les minutes qui ont suivi son élection dans Pointe-aux-Trembles, André Boisclair, nouveau chef péquiste, mettait la barre bien haute pour son arrivée à l'Assemblée nationale. Son parti régnait alors sans partage sur 50 % de l'électorat et l'insatisfaction à l'endroit du gouvernement Charest était encore au zénith.
Six mois plus tard, rien ne va plus, péquistes et libéraux sont désormais à égalité dans les enquêtes d'opinion. Chez les élus péquistes, c'est la déprime. " C'est encore jouable ", confie un vétéran optimiste, mais la victoire électorale à portée de main il n'y a pas si longtemps semble aujourd'hui bien incertaine.
Bien avant leur rassemblement du début février, à Québec, les péquistes partagent le même constat, sans complaisance. " Tout le monde a vu la même chose. Durant le temps des Fêtes, dans nos comtés on n'a pas entendu un seul commentaire favorable sur André Boisclair ".
Juste avant les Fêtes, la parodie Juste avant les Fêtes, la parodie de Brokeback Mountain à laquelle le chef péquiste avait accepté de participer, a été un catalyseur. Jean Charest était clairement armé de rapports de groupes cibles indiquant qu'André Boisclair était perçu comme immature et manquant de jugement; voilà que le jeune politicien confirmait, en l'incarnant, cette perception.
Pour certains stratèges, André Boisclair doit rapidement rétablir sa crédibilité en s'identifiant à deux ou trois idées fortes, des propositions novatrices auxquelles, spontanément, il sera associé. Il n'y est pas arrivé depuis sa rentrée parlementaire. Pire encore, cet excellent debater a perdu quelques échanges retentissants contre Jean Charest, lors du débat sur la " nation " québécoise notamment.
Le malaise est plus ancien. Quand Mario Dumont aborda dès l'automne dernier le problème des " accommodements raisonnables ", quelques élus, François Gendron notamment, ont demandé que leur chef contribue à lancer ce débat. Il n'en fit rien.
Mêmes frictions quand on parla de " nation québécoise "; une poignée de députés péquistes ne voulaient pas appuyer la notion d'une nation au sein d'un Canada uni. Ils brillaient par leur absence le jour du vote.
De plus, plusieurs pensent que le chef fait fausse route en refusant obstinément de rendre publiques dès maintenant certains aspects du programme électoral du PQ. La perception d'un politicien sans contenu " est en train de prendre dans le ciment et ce sera difficile après ", prévient-on.
L'homosexualité d'André Boisclair et la consommation passée de cocaïne ont un impact défavorable auprès de l'électorat plus conservateur, en dehors des grands centres.
Mais pour les initiés, c'est bien davantage l'attitude du chef qui est son principal handicap. Il n'écoute guère; " c'est ma job de résister aux pressions ", se plaît-il à répéter.
Détermination ou intransigeance? Il est même parfois belliqueux. En octobre dernier, un président d'association nationale fut estomaqué par un bref échange avec le chef péquiste. " Ton communiqué de juin, je l'ai encore dans la gorge. Tu as choisi ton camp! " de lancer M. Boisclair.
Dans les assemblées publiques, les organisateurs regardent au plafond, mal à l'aise. L'automne dernier, sur la Rive-Sud, André Boisclair a fait un discours soulignant le clivage entre " les vieux " et sa génération. " À 200 $ du billet, il n'y avait pas beaucoup de jeunes dans la salle, son discours est tombé à plat ", résume-t-on. Autre exemple: à Chambly, M. Boisclair a passé la soirée à discuter avec le chef Ricardo Larrivée. Son indifférence à l'endroit des autres invités a fait grincer des dents.
Les groupes d'intérêts reçus en audience par le caucus péquiste sont toisés de haut par le chef. Une rencontre avec les Centres de la petite enfance, organisée par Richard Legendre, s'est bien mal passée. Devant des députés abasourdis, le jeune chef répond souvent aux " invités " qui finissent leur présentation : " Je ne suis pas du tout d'accord avec vous! "
Pour un parti d'opposition, ces groupes de pression devraient être autant de " partenaires ". Ces " alliés naturels " se font moins nombreux; l'automne dernier, une rencontre du chef péquiste avec tout le gratin de la FTQ a été carrément glaciale.
André Boisclair reste sourd aux conseils. Son entourage - essentiellement le député de Gouin, Nicolas Girard, et son chef de cabinet, Line Sylvie Perron - a toute sa confiance, et monopolise son attention. Mais ces derniers ne le protègent pas contre lui-même. Il a des problèmes à travailler en équipe.
On lui avait conseillé par exemple de ne pas parler " d'équipe de rêve ", d'évoquer le renouveau amené par René Lévesque pour décrire ses candidats. " Il parle d'une équipe de rêve, il a plutôt rêvé d'une équipe ", lançait, toujours incisif, le ministre Claude Béchard la semaine dernière.
Les nouveau arrivés, Lisette Lapointe et Marie Malavoy par exemple, ne font pas oublier de surprenants départs: les jeunes Stéphane Tremblay, dans Lac-Saint-Jean, et Jonathan Valois, dans Joliette.
Bien des gens approchés pour être candidats ont dit non. Daniel Charron, jeune ténor des milieux patronaux (il a dirigé l'Alliance des manufacturiers) vient de refuser de se porter candidat, dans un comté pourtant favorable comme Marguerite-d'Youville.
Diane Bellemare, du CPQ, a aussi refusé. Un absent de taille, Joseph Facal, qui vient pourtant d'obtenir sa permanence aux HEC, a décidé de ne pas être candidat cette fois-ci. Un ancien cadre de Vidéotron, un doyen de faculté à Sherbrooke, même Stephen Guilbault, qu'on pensait intéresser dans Orford, ont tous refusé. L'équipe de rêve est en train de devenir un cauchemar.
Défait il y a un an, Richard Marceau, ex-bloquiste, sera candidat dans Charlesbourg, près de Québec. Mais André Boisclair ne veut rien entendre de Me André Jolicoeur, un vétéran.
Louise Beaudoin, hésite désormais beaucoup, elle qui se préparait pourtant depuis quatre ans à revenir dans Chambly.
Pendant ce temps, Bernard Landry ne démord pas, multipliant les coups de fil et les déclarations assassines. Pour lui, participer à une farce bouffonne ridiculisant George W. Bush et Stephen Harper, c'était de trop.
" Comment celui qui aspire à diriger l'État du Québec peut-il se moquer du président des États-Unis, la première nation au monde, et du premier ministre canadien élu par la population ? " martèle-t-il. Publiquement, il reste le " militant exemplaire " qui se garde bien de jeter des pelures de banane sur le parcours de son successeur. Pauline Marois fera publier bientôt sa biographie. S'il veut se mesurer à André Boisclair, Jean Charest ferait mieux de ne pas trop tarder à déclencher les élections.


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