Avons-nous encore le droit de manifester ?

Visite royale au Québec - juillet 2011 - William et Catherine


Voilà, le bal est parti. Le gouvernement canadien vient tout juste d'annoncer que le prince William et sa nouvelle épouse effectueraient une tournée royale OFFICIELLE au Canada et au Québec dans quelques mois que déjà la société bien-pensante s’offusque du fait que certains osent dénoncer l’événement.
Parmi les dénonciateurs, nous retrouvons principalement le Réseau de Résistance. Nous nous opposons à cette visite pour plusieurs raisons que je vais ici expliquer. Trop de personnes analysent cette affaire de manière superficielle, disant qu’ils sont beaux pis qu’ils ont l’air fins les tourtereaux et que l’on devrait les laisser faire leur voyage de noces en paix. Dans un tel dossier, sachez que les individus ne compte pas ; c’est l’institution qu’ils représentent qui est visée. Si William et sa blonde décidaient de venir manger de la crème à glace sur la Grande-Allée en touristes l’été prochain, ce serait le dernier de mes soucis. Ils seraient les bienvenus comme tout le monde. Mais s’il vient avec sa redingote et sa couronne de carton de prince, là, ce n’est plus la même chose. Voici pourquoi.
Premièrement, et comme nous l’avons exposé dans un communiqué émis ces jours-ci, nous dénonçons l’institution que le prince William et la princesse Catherine représenteront lorsqu’ils fouleront le sol québécois. La couronne britannique a historiquement soumis les peuples de par le monde. En Inde, en Chine, en Afrique, en Amérique, en Irlande et en Écosse, cette couronne a fait couler le sang – beaucoup de sang - pour mieux remplir les coffres de l’Angleterre. Nos ancêtres n’y ont pas échappé. Aux mains des représentants de cette couronne, les Acadiens ont été victimes d’un génocide avant la lettre. La Nouvelle-France a été détruite, et ses habitants massacrés ; un septième de la population de la Nouvelle-France a perdu la vie lors de la Guerre de Sept Ans qui a opposé, ici en Amérique, la France et la Nouvelle-France à l’Angleterre. C’est ainsi que le colonialisme anglais a pu s’enraciner en nos terres. Nos ancêtres ont alors tout perdu. Ils sont devenus de simples porteurs d’eau pour les Anglais. Rappelons-nous que toutes ces années durant nous avons fait rouler l’économie contrôlée par les Anglais alors que nous peinions à joindre les deux bouts.
Ceux qui ont voulu renverser ce nouvel ordre estampillé du sceau de la monarchie anglaise ont eu à subir les foudres de leurs bourreaux. Les quelques séparatistes des années 1790 ont été torturés, les patriotes de 1837-1838 ont été emprisonnés et pendus, Louis Riel qui défendait les terres des siens a subi le même sort, les opposants à la conscription ont été mitraillés par l’armée canadienne dans les rues de Québec en 1918, les manifestants des années 1960 ont été enfermés et battus par la police du système.
Aujourd’hui, le Canada est encore symboliquement la possession de la couronne d’Angleterre. En tant que membre du commonwealth, l’autorité suprême au Canada s’incarne dans les représentants d’une couronne étrangère qui a les mains rougies par le sang des peuples qu’elle opprima de par le monde. C’est le gouverneur-général qui est le chef des armées canadiennes. C’est aussi lui qui dissout la chambre et signe les lois. Même chose avec les lieutenants-gouverneurs qui veillent au grain dans les provinces, bénéficiant des vétustes lois de réserve pour le faire. Tout ça est régi par une constitution illégitime qui a été imposée au Québec en 1982, constitution que nos représentants n’ont jamais signée. On parle ici d’un système politique canadien, lié à la couronne d’Angleterre, qui domine toujours politiquement le Québec en 2011. Il s’agit donc ici d’un dossier éminemment politique. Et il est de notre devoir de faire de la politique, pendant que ceux d'en face en font eux aussi. Ce que le Réseau ne se gêne absolument pas de faire.
Nous nous opposons également à la visite du prince William en terre Québec pour des raisons financières. Il est proprement odieux que les contribuables canadiens et québécois aient à défrayer les coûts du voyage des têtes couronnées d’Angleterre lorsque celles-ci effectuent des tournées royales dans leur « royaume ». Les citoyens québécois font vivre le lieutenant-gouverneur du Québec. Leur argent sert à financer le train de vie princier du gouverneur général du Canada. Cela représente une somme d’environ 50 millions$ par année. Et nous devons en plus payer pour que les représentants de cette riche couronne voyagent de par le monde. Sont pas capables de payer leurs maudits voyages ? Déjà qu’on ne veut pas les voir chez nous…
Le responsable des visites des têtes couronnées au Canada, James Moore, informait le bon petit peuple qu’il y avait un budget discrétionnaire qui était déjà prévu pour ce genre de visites. Donc, fallait pas s’énerver le poil des jambes, ça ne nous coûterait pas plus cher pour promener le petit couple d’un océan à l’autre que ce qui est prévu dans les budgets. Combien exactement ? 3.5 millions$ minumum, soit environ 300 000$ par jour. Ce qui ne comprend pas les dépassements de coûts ou les salaires des employés affectés à la sécurité du couple. Lors de la visite du prince Charles en 2009, les citoyens ont dû débourser un quart de million$ seulement pour la sécurité du bonhomme. Et on lui avait même payé le billet d’avion ! C’est dire !
Dans un contexte où la très vaste majorité des Québécois se prononcent contre la monarchie, il est proprement odieux que des représentants de la couronne britannique aient le culot de nous faire payer les luxes qu’ils s’offrent ! Ce qui nous accorde encore davantage le droit de protester et de manifester.
Nous nous opposons à cette visite aussi parce que le Canada compte faire de la politique avec celle-ci. Déjà le premier ministre Harper se peut plus. Il est vraiment heureux que sa proposition pour le voyage de noces du petit couple ait été acceptée. Voici ce qu’avait à dire ce premier ministre qui fricote avec la droite religieuse :

La décision du couple de choisir le Canada comme première destination témoigne de la relation étroite que notre pays entretient avec la famille royale – un lien de loyauté et d'affection qui a été illustré par les foules qui se sont déplacées pour Sa Majesté la reine Élisabeth II et Son Altesse Royale le duc d’Édimbourg, l’an dernier, et par l’engouement croissant que suscite son Jubilé de diamant, qui sera célébré au Canada tout au long de 2012. Le Canada a bien hâte d’accueillir le jeune couple cet été et de lui offrir tout ce que notre pays a de mieux – y compris, bien entendu, la chaleureuse hospitalité réservée aux membres de la famille royale.

« La relation étroite que le pays entretient avec la monarchie », « un lien de loyauté et d’affection », « l’engouement croissant », voyez-vous cela. Tout cela démontre bien que cette visite est en tous points profondément politique. Harper désire venger l’affront que le Québec a fait au prince Charles en 2009. Soit ce dernier se retrouvait seul sur les lieux qu’il visitait, aucun Québécois ne s’étant déplacé pour le saluer, soit il a dû entrer par la porte arrière d’une caserne de l’armée canadienne, passant à travers les poubelles pour ce faire, parce que des Québécois avaient tenu à lui signifier qu’en tant que représentant de la couronne britannique, il n’est pas le bienvenu chez nous. C'est cela qu'Harper veut faire oublier. Il veut pouvoir faire la preuve que le Québec aime, quoi qu'on en dise, la couronne britannique. Il n'y a qu'en manifestant bruyamment qu'on pourra l'empêcher de le faire. Il n'y a que dans la rue qu'on pourra faire la preuve que Harper est un menteur et que le Québec ne tolère toujours pas la couronne d'Angleterre.
Si nous ne faisons rien cette fois-ci, Harper et les Canadiens auront tout le loisir de dire que le Québec accepte enfin la monarchie anglaise, que la paix est enfin rétablie ; si nous ne faisons rien, nous laissons la bande à Harper faire de la politique seule, et c’est nous, indépendantistes, qui allons en faire les frais, c’est écrit dans le ciel. C’est pourquoi, nous nous dresserons encore une fois contre le système.
Bien sûr, cela ne plaira pas à certains. On en trouvera toujours pour dire que la monarchie, c’est une institution vétuste, rétrograde qui ne mérite pas notre attention et qu'on doit faire comme si de rien n'était; « une loterie génétique » a dit Duceppe, ajoutant du même souffle qu’il ne ferait rien contre ça mais qu’il se dissociait d’emblée et catégoriquement du Réseau de Résistance qui compte bien, lui, agir. À ce sujet, je tiens moi aussi à dire que nous nous dissocions de cet homme qui vend, comme un maître-chanteur le ferait, l’appui du Québec au gouvernement canadien (appui au budget vs vote de non confiance) et qui cherche à tisser une alliance avec les autres partis d’opposition pour mieux faire fonctionner le Canada. Cet homme qui se prétend souverainiste se comporte comme un parfait fédéraliste. Un indépendantiste ne fait pas de chantage pour obtenir de l’argent, il combat le système qui vole le Québec ; un indépendantiste ne magouille pas pour donner un meilleur gouvernement au Canada, il combat ce gouvernement canadien pour mieux libérer le Québec. Exactement le contraire de ce que fait notre rentier du fédéral. Pas pour rien qu’une revue américaine a dernièrement évalué que la meilleure garantie pour le Canada désireux de conserver le Québec sous son joug était la présence du Bloc Québécois de Gilles Duceppe à Ottawa. À mes yeux, le Bloc pourrait être une véritable formation oeuvrant efficacement pour l’indépendance du Québec, mais force est de constater que tel n’est pas le cas sous la direction du monsieur-vingt-ans-à-Ottawa…
Mais revenons à nos moutons.
À l’instar du ô combien combatif Gilles Duceppe-l’atout-du-Canada, il y aura des gens qui réclameront que le Québec reste bien assis, regardant ailleurs pendant que le petit prince fera sa tournée royale sur nos terres qu’il prétend siennes. Bien sûr, c’est une option. Collectivement, on peut décider de se vautrer dans la schizophrénie la plus totale. Chacun dans nos salons, on peut se faire croire que nous sommes collectivement libres et qu’aucun problème nous concerne ; on peut y arriver si on n’allume pas nos téléviseurs, si on n’ouvre pas la radio ni un journal et si on ne regarde pas où ont été fabriqués les objets qui nous entourent. On peut se plonger la tête bien profondément dans le sable en se disant que les gaz de schiste, ça n’existe pas, que les compagnies ne nous ont pas volé nos ressources naturelles, que Charest est un mauvais rêve, que Pauline va nous sauver et que le prince ne viendra pas chez nous, à nos frais, pour nous rappeler que nous faisons partie d’un système contrôlé et dirigé par le monde anglo-saxon. C’est sûr que c’est un choix. Ce n’est pas le mien. Mais c’est un choix quand même. Je me permettrais quand même de demander aux tenants de l’abdication totale et sans condition de m’indiquer quand cela serait légitime que les Québécois se dressent contre le système?, quand devrions-nous dire haut et fort aux têtes couronnées no pasaran ?
Il est particulier de constater que les personnes qui exigeront de nous que nous ne sortions pas dans la rue pour nous opposer à la venue du prince William en notre pays sont bien souvent les mêmes qui disent admirer les peuples tunisien et égyptien pour avoir enfin pris en mains leur destin. Là-bas, des gens meurent, des personnes sont violées en pleine rue, des centaines de milliers de personnes occupent la rue. Le renversement des dictatures arabes exige cela. Et nous, une simple manifestation dans la rue pour signifier à des têtes couronnées qu’elles ne sont pas les bienvenues chez nous ce serait déjà trop ? Franchement. Réviser vos analyses ceux qui nous disent qu’on est des malpolis, des terroristes parce que nous combattons, selon notre propre contexte qui ne se compare évidemment pas à celui du monde arabe, le système politique injuste qu’on nous impose.
Les citoyens n’ont pratiquement ici plus aucun moyen de se faire entendre. Charest vient même de décider que les pétitions contre lui ne seraient plus considérées ni même acceptées. Et nous n’aurions plus le droit de descendre dans la rue pour nous opposer à l’indéfendable ? Si nous tenons à la démocratie en terre Québec, il est de notre devoir de défendre notre droit à la manifestation. Peu importe les avis des uns ou des autres, les militants du Réseau de Résistance seront dans la rue, à Québec, lors de la visite du prince William. Nous ferons face à la musique, nous confronterons le réel et nous sommes d’emblée prêts à en payer les conséquences. En 2009, nous avons été matraqués par la police parce que nous avions organisé une manifestation pacifique contre le prince Charles; la police nous refusait le droit d'être dans la rue! Et nous sommes encore prêts à recevoir des coups de matraque si c’est pour défendre le Québec libre et notre droit citoyen de manifester dans la rue.
C’est donc un rendez-vous à Québec, au début juillet pour l'accueil royal que nous réserverons au petit prince William !


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