Après l'enfant-roi, l'enfant-philosophe !

ECR - Éthique et culture religieuse


On n'arrête décidément pas le progrès au Québec. Après l'enfant-roi, voici maintenant l'enfant-philosophe! On apprend qu'un cours de philosophie pour enfants (sic) est donné chaque semaine depuis 2005 sur la Rive-Sud de Montréal, dans 14 écoles primaires de la commission scolaire Marie-Victorin. Les effets bénéfiques seraient tels que certains voudraient voir se généraliser cette philosophie pour enfants à toutes les écoles primaires de la province. Rien de trop beau pour les petits génies québécois, selon les experts de l'éducation qui sévissent encore dans nos universités et notre administration publique.
De façon révélatrice, ce cours vise au départ à contrer la violence et les agressions sexuelles, alors que nous vivons pourtant dans l'une des sociétés objectivement les moins violentes de la planète. Il n'est pas étonnant que cette obsession maladive aboutisse, selon une évaluation du cours, à des enfants «beaucoup plus habiles pour détecter la violence psychologique comme l'insulte et le harcèlement». L'enfant-philosophe sera manifestement un peu paranoïaque, les Québécois de demain encore plus victimes et plaignards que leurs parents. Quelle belle société en perspective!
Cette philosophie pour enfants a été implantée au Québec par M. Michel Sasseville, un professeur de philosophie à l'Université Laval qui a écrit un livre intitulé La Pratique de la philosophie avec les enfants. L'accent est mis sur les droits et libertés des enfants, auxquels on prétend apprendre rien de moins que de «penser par et pour eux-mêmes». Cela n'empêche pas l'approche d'être clairement orientée sur le plan idéologique. Dès le primaire, l'idée est d'imprégner les petits Québécois de l'orthodoxie multiculturelle et environnementaliste dominante, en mettant tout particulièrement l'accent sur «le dialogue entre les peuples en éduquant à l'ouverture, la reconnaissance des différences et la volonté de vivre paisiblement, etc.».
Le Québec de 2009 étant ce qu'il est, une telle approche plaira sans doute à certains universitaires et fonctionnaires déconnectés, mais aussi à des parents sincèrement convaincus des qualités exceptionnelles de leur progéniture. Plusieurs auront de la difficulté à admettre que respecter les enfants de niveau primaire, ce n'est pas leur enseigner un semblant de philosophie, mais bien les encadrer, en leur apprenant des choses prosaïques dont ils auront besoin toute leur vie, comme lire, écrire et compter, avec l'effort et la persévérance qui sont indissociables de cet apprentissage. L'effort et la persévérance sont incidemment les deux valeurs qu'une étude a récemment identifiées comme manquant dramatiquement aux jeunes Québécois, avec la qualité du français parlé et écrit.
De toute évidence, un cours de philosophie au niveau primaire correspond à l'esprit de cette funeste réforme scolaire qui est en train de handicaper toute une génération de jeunes Québécois pour l'avenir. Au lieu d'admettre qu'on s'est malheureusement trompé en demandant à ce point aux enfants du primaire d'exprimer leur opinion, on s'enfonce: on veut maintenant leur montrer comment développer cette opinion. On peut comprendre qu'après avoir abandonné le catholicisme sans le remplacer par grand-chose, certains Québécois éprouvent de la difficulté à transmettre des valeurs à leurs enfants. Mais qu'à tout le moins, on laisse la bonne vieille école primaire faire son travail.
Une suggestion à la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, si elle veut nous convaincre que la réforme de l'éducation concoctée par ses fonctionnaires n'est plus à l'ordre du jour. Que le ministère invite les commissions scolaires à instaurer au niveau primaire, non pas un prétentieux cours de philosophie pour enfants orienté idéologiquement, mais bien cinquante minutes hebdomadaires d'enseignement concret sur le savoir-vivre en société, y compris la politesse.
Par la bande, cela rappellera le précieux capital de civilité hérité des générations antérieures à de jeunes Québécois qui en ont besoin, au lieu de se servir d'eux comme de pathétiques cobayes sans égard à leur droit à une éducation de qualité.
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Christian Dufour - Politicologue à l'École nationale d'administration publique


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